BD

Squarzoni - Zapata en temps de guerre    

Les requins marteaux - 2003

 

 

 

 

    Zapata, en temps de guerre se veut la suite de Garduno en temps de paix, paru l’année dernière. Récit autobiographique, l’œuvre nous montre le parcours militant de son auteur au sein de l’association ATTAC, ses doutes, ses réflexions, le développement de ses convictions et de sa prise de conscience, son combat pour changer le monde au quotidien. Dénonçant les méfaits de la mondialisation libérale, l’unilatéralisme de l’Empire Américain, l’auteur s’attache à montrer qu’un autre modèle de développement est possible et surtout nécessaire.

 

    Entièrement en noir et blanc, l’auteur développe dans son œuvre un style assez proche de Fabrice Neaud (auteur du Journal) dans l’utilisation de symboles, de photos, de déformations, en se représentant soi-même, en jouant sur la représentation de l’autre ou de sa non représentation. Ceci lui permet alors de constamment illustrer son propos, de l’associer à des images concrètes, et ainsi de frapper plus directement le lecteur. Toutefois, l’auteur utilise peut-être ces procédés de manière trop radicale, oubliant que la bande dessinée se fonde avant tout sur l’utilisation de dialogues.

 

    Bien plus qu’une simple autobiographie, l’œuvre constitue un brûlot contre le libéralisme et la mondialisation ultra-libérale, nourrie de références historiques diverses, mais se trouve aussi être un regard à la fois passionné et distancé de Squarzoni sur ses propres engagements, où celui-ci tente de mettre en pratique une véritable éthique militante. Tout d’abord, l’auteur se livre à de véritables explications économiques, politiques, sociales, culturelles et historiques. Par exemple, à travers le principe de la fameuse taxe Tobin, il arrive à dévoiler les dessous du système libéral, à en démonter les mécanismes. Certains analyses sont particulièrement frappantes et pertinentes, notamment lorsque l’auteur, à partir de faits concrets, de son expérience personnelle, rend compte de l’incroyable "occidentalo-centrisme" de nos sociétés et de nos représentations. Malgré tout, on peut toutefois déceler un manque de rigueur dans certaines affirmations, l’auteur ne se montrant pas aussi précis et méthodique qu’il faudrait parfois l’être.

 

    Mais c’est véritablement dans ses parties introspectives que l’œuvre se trouve être la plus nuancée, lorsque l’auteur confesse son adoration pour les grandes enseignes culturelles ou pour le cinéma américain (même si cela est pour mieux combattre l’Empire américain). Ainsi, on observe une personne douter, mettre en doute ses idées, mettre en question tout ce sur quoi repose ses actions militantes, se demander si on fond, elle n’est pas dans l’erreur, si elle ne se fourvoie pas complètement dans ses convictions et ses engagements, si elle ne regrettera pas tout cela plus tard. Et si Zapata prend toute sa dimension dans ses moments là, on regrette alors davantage que l’auteur ne soit pas aussi nuancé dans ses propos plus théoriques, ce qui n’exclurait pas bien entendu des prises de positions radicales ou passionnées.

 

    Et si l’on referme l’œuvre avec une grande impression de malaise, vacillant entre dégoût et révolte, on se demande tout de même si l’auteur n’a pas quelque peu raté son objectif, pour peut-être même finir par oublier le média sur lequel il créé. Malgré tout, Zapata demeure une œuvre forte, atypique, mais sans doute pas indispensable à qui a déjà lu Garduno.

 

Vincent