BD

Osamu Tezuka - La vie de Bouddha t. 1   

Tonkam - 2004

 

 

 

     Les éditions Tonkam nous offrent enfin, après des mois d’attente, la réédition deluxe de la vie de Bouddha d’Osamu Tezuka. Ce dernier est considéré dans son pays comme le « dieu du manga » et en est de toute évidence l’un des pères. Ce premier tome de Bouddha, qui fait quand même 400 pages, semble être en quelque sorte un prélude à la série, parce qu’il commence quelques mois avant la naissance de celui qui deviendra le Bouddha et se finit donc à peu près sur cette naissance.

 

    Dans ce premier volume très dense, on suit donc notamment les pérégrinations de Chaprah et de sa mère, appartenant à la caste des esclaves, contraint de fuir après l’invasion de leurs villages par une armée ennemie, mais aussi du jeune Tatta, de la caste des intouchables (« inférieur » encore aux esclaves) aux capacités « surnaturelles » très étonnantes et du brahmane Naradatta (caste « supérieure » des prêtres). Tous ces personnages vont être amenés à se rencontrer et à vivre quelques aventures ensemble. Le lien avec le prince Siddharta, qui deviendra le Bouddha n’est pour le moment pas encore véritablement explicité, mais nul doute que l’on en sera davantage dans les prochains volumes.

 

    D’abord, le dessin se fait moins réaliste que dans ses œuvres les plus sombres comme L’histoire des 3 Adolf ou encore Ayako, se laissant parfois aller à la caricature, et d’une manière générale assez proche de celui que l’on trouve dans Phénix. De même, on observe le même jeu avec les cases, qui explosent parfois littéralement et finalement on est assez admiratif devant l’inventivité de la mise en scène, de l’agencement des cases, parfois très étonnante et très originale. Enfin, Tezuka se laisse également aller, parfois, à quelques anachronismes humoristiques, comme on en trouve également dans Phénix.

 

    Les personnages de ce premier volume sont formidablement bien amenés et développés, même s’ils incarnent, comme souvent chez Tezuka, plutôt des archétypes. Associé au dynamisme évident du dessin, les personnages sont véritablement plein de vie. On voit bien d’ailleurs qu’il n’est nul besoin de développer de longues analyses psychologiques ou de leur donner une apparence ultra réaliste pour que des personnages apparaissent vraiment crédibles, vivants et donc incarnés.

 

    Au delà d’une légèreté très présente, à travers un humour omniprésent, ou encore des situations parfois totalement dénuées de crédibilité, se mêlent déjà des réflexions profondes et sérieuses. Ce premier volume introduit clairement une réflexion et une dénonciation sur le problème des castes en Inde, qui range chaque individu dans des cases prédéfinies par sa naissance et sa généalogie d’où il ne peut sortir, empêchant donc toute mobilité sociale, mais également limitant sérieusement les contacts humains, culturels et sociaux. Derrière cela, il y a l’idée que la stabilité et la tradition constituent les ferments de la société et que tout est fixé dès l’origine. Et donc plus largement que les seules castes en Inde, Tezuka semble déjà introduire ses idées humanistes qui lui tiennent à cœur, et notamment la nécessité du contact, du mélange, de la mixité, du métissage culturels et sociaux, mais aussi, comme toujours, l’omniprésence de l’humilité.

 

    L’édition deluxe peut paraître assez cher (12 euros), et la maquette ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais ce premier volume de Bouddha reste suffisamment enthousiasmant pour qu’il mérite amplement l’achat.

 

Vincent