BD

François Ayroles - Enfer portatif  

Casterman - 2003

 

 

 

    Ayroles avait impressionné dans Incertain silence, premier véritable album, paru en 2001 à L'Association. Il y présentait les tribulations improbables d'un singulier héros, muet, impavide, réplique presque parfaite de l'imperturbable Buster Keaton. Les préoccupations formelles de l'auteur trouvaient en ce rapprochement un matériau idéal pour développer une conception ludique de la bande dessinée, reflet en images du burlesque précis et géométrique de Keaton.

 

    Avec Enfer positif, Ayroles traite à nouveau d'infirmité, mais cette fois à travers deux héros, l'un aveugle et l'autre paraplégique. Ce dédoublement et cette complémentarité (car le binôme voyage bien entendu de conserve) permet à l'auteur de multiplier les possibilités narratives tout en les maintenant au sein de ses préoccupations formelles (structure du récit, structure de la planche…). Mais le principe de base reste identique puisque, à l'instar d'Incertain silence, les héros voyagent, font des rencontres et improvisent, apparemment sans but défini, une réponse à chaque situation sans jamais pouvoir la maîtriser pleinement, ce qui génère un déséquilibre utilisé comme moteur narratif.

 

    Tout ceci peut paraître cérébral, voire austère, mais il n'en est rien, tant c'est la jubilation qui prime à la lecture. Jubilation du récit, jubilation face à ces personnages qui veulent juste qu'on les laisse en paix et que nous, lecteurs, prenions plaisir à les voir entraînés malgré eux dans des situations guère prévisibles, souvent déroutantes.

Y a-t-il une morale à tirer de tout ceci ?

De ces déambulations qui voient les héros successivement rencontrer un faux mage escroc et sa bande, un peintre abstrait vaguement charlatan et son principal mécène qui n'y voit que du feu, ainsi que la bonne à tout faire de ce dernier ?

 

    De ces évènements qui séparent les héros et les replongent au cœur de leur infirmité, pour finalement les réunir à la faveur d'une pirouette scénaristique ?

Est-ce absurde? Est-ce sérieux ?

Ayroles ne démontre rien. A chacun de se faire son idée, et avant tout de prendre son pied à la lecture.

N'hésitez pas, prenez le vôtre.

 

Fred