BD

Entretien avec Bruno Heitz     

 

 

 

Auteur multi-facettes, Bruno Heitz est illustrateur pour la jeunesse mais aussi pour la presse. Il écrit, par ailleurs, des histoires plus destinées aux adultes, dans une série « Hubert un privé à la cambrousse » (parue au Seuil) notamment. Avec un vrai sens de l'observation et de la dérision, cet auteur croque des personnages poilants et attachants comme on en rencontre assez peu dans la bd actuelle...

 

Vous êtes venu tard à La BD ? Qu’est ce qui vous a amené travailler pour ce genre graphique ?

J’ai commencé à faire de la B.D.  en 1995, à la demande de Jacques Binsztok, le patron du Seuil Jeunesse. Le premier album, « Boucherie charcuterie même combat ! » mettait en scène des animaux qui se révoltent contre les humains. Il n’a connu qu’un succès mitigé.

 

Comment est née l’idée du  personnage d’Hubert et de l’univers dans lequel il évolue ?

Justement, à la suite de ce semi-échec, Jacques Binsztok m’a encouragé à poursuivre, à penser plus à des dialogues en phylactères et à créer des personnages. J’ai eu l’idée de mes paysans médisants en regardant (et surtout en écoutant) des vieux qui disaient du mal d’autres vieux dans un bistrot où je m’étais abrité un jour que j’avais été surpris par la pluie lors d’une balade à vélo dans les environs…

 

Pensiez-vous au départ, en écrivant le premier tome, (Boucherie Charcuterie, même combat) que 8 autres suivraient ?

Absolument pas, de même que j’ignorais que mon détective survivrait à son premier livre.

 

Y’a un coté presque ethnologue chez vous ! On vous sent très au courant de l’esprit campagnard, de l’état d’esprit paysan, (du bon comme du mauvais) : d’où vous vient cette étude si fine de ces comportements ?

Enfant, je passais mes vacances dans un patelin du Jura et les indigènes nous intriguaient beaucoup, mon frère et moi. J’imitais leur accent, et leur argot, très différend du nôtre, me fascinait. De toutes façons, je pense qu’en prenant le temps d’observer n’importe quelle population qui vit sur une surface donnée et réduite (un village, un quartier ou une rue voire un immeuble) on va trouver des types d’individus extrêmement variés et souvent comiques, même si c’est à leur insu.

 

Connaissez-vous des gens de la campagne qui lisent vos BDs, qui vous en parlent, Qui s’y reconnaissent ?

Non. Si les instits se sont reconnus dans les livres que je leur ai consacrés (L’agenda du nouvel instit, les vacances du nouvel instit) je ne peux pas dire que les ruraux lisent mes BDs !

Par contre, les citadins qui ont vécu à la campagne dans leur enfance, ceux-là reconnaissent l’épicier, le notaire, etc…

 

Parfois on songe à certains personnages dessinés par Tardi dans les Adèle blanc sec ou dans les Nestor Burma…est ce un auteur dont vous connaissez bien l’œuvre ? Que vous appréciez ?

Je me souviens de la révolution qu’a été l’apparition de Tardi vers 1978, la grande période "A SUIVRE" mais il a été tellement plagié ensuite que j’avoue avoir cessé de  lire ce genre de choses depuis plus de 20 ans.

 

Lisez-vous de la Bd régulièrement ?

Très peu. Mais j’aimerais passer trois jours complets à relire tous les Tintin... Je ne peux pas lire plus d’une page d’une BD "réaliste" !

 

Hubert un privé à la cambrousse fait vraiment figure de BD à part, qui trouve peu d’équivalence dans la Bd actuelle... 

Y’ un coté vraiment intemporel dans cette série : que ce soit dans les personnages, dans le dessin, la narration. On a l’impression que ça aurait pu être écrit aussi bien dans les années 60 qu’aujourd’hui…

J’ai volontairement situé l’action entre 55 et 60, pour avoir le plaisir de dessiner les voitures que j’aime (et que je possède pour certaines comme les 203, 2 CV ou 4 CV ) et puis aussi pour pouvoir faire évoluer mes personnages dans un monde où on va se voir pour parler plutôt qu’on ne téléphone ou… qu’on envoie un mail.

 

Vous vous intéressez également au milieu scolaire, aux élèves comme aux instituteurs. De la même manière et avec autant de « minutie » que pour le milieu campagnard, vous décrivez dans L’Agenda du nouvel instit (éditions circonflexe) le milieu enseignant avec beaucoup de drôlerie et de détachement. Comment connaissez vous si bien ces gens-là ?

Je les connais parce que j’ai fait beaucoup d’animations dans les écoles et les bibliothèques.

 

Pensez-vous continuer la série des Hubert…encore longtemps ?

Hélas le patron du Seuil dont je vous parlais est parti et sa remplaçante est loin d’être une de mes fans. Le camion d’Hubert a les pneus à plat, la batterie est débranchée et les deux premiers chapitres de L’affaire Marguerite risquent fort de ne pas avoir de suite…

 

Vers quoi aimeriez-vous vous diriger par la suite ? Quelle sera votre prochaine sortie en matière de Bd ?

Dans la collection les "Minibédés" de Casterman je viens de finir un album intitulé Rapidissimo qui doit sortir en mai.

 

Propos recueillis par Benoît Richard

janvier 2005

 

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Bruno Heitz - Chambre froide

www.circonflexe.fr