BD

Tronchet & Sibran - Là-bas    

Dupuis coll. Aire Libre - 2003

 

 

 

    Devant quitter malgré lui l’Algérie qu’il aime tant, un pied noir rentre à Paris pour une vie plus difficile dans un pays qu’il a oublié depuis longtemps. Hanté par un souvenir terrible, la fusillade d’un enfant algérien tué par des membres de l’OAS dans les rues d’Alger, il rentre au moment ou sa femme accouche d’une petite fille : en l’occurrence, la narratrice Anne Sibran.

Avec ses souvenirs de là-bas, "que l’on ne peut pas nommer tellement c’est beau" il va mener une autre vie, avec sa fille et sa femme qu’il veut protéger et à qui il veut offrir une vie digne.

 

    Anne Sibran, auteur du roman autobiographique, dont Là-bas est en fait l’adaptation en Bd, s’associe à Didier Tronchet (le père de Jean-Claude Tergal) pour un récit magnifique qui effectivement se lit comme un roman.

Basé sur les souvenirs d’enfance de la scénariste et romancière Anne Sibran Là-bas est une oeuvre touchante et au combien émouvante qui raconte la vie d’une famille presque ordinaire, qui, comme des centaines dans les années 60, a du quitter un pays de rêve pour se retrouver dans une banlieue parisienne grisâtre et hostile.

 

    Avec retenue et douceur et avec un sens de la narration propre au roman, Anne Sibran raconte ses années de douleur et de souffrance entre un père déraciné, une tante qu’elle aime mais rongée par la maladie et une grand-mère déboussolée qui a installé l’Algérie dans son salon.

Mais par dessus tout c’est l’amour du père et de sa fille unique père qui ressort en premier avec notamment une séquence magnifique et pleine d’humanisme dans laquelle le père emmène sa femme et sa fille en train visiter le chantier de ce que sera  leur future maison. Dans cette séquence on voit un père heureux et fier d’offrir un pavillon moderne à sa famille. Au cours de cette visite il va rencontrer un algérien, lui-aussi déraciné, qui se trouve sur le chantier, sous une pluie battante, pelle à la main et donnant l’impression de se demander où il est. Apprenant qu’il est Djijelli comme lui, l’arabe l’appelle l’invite à boire le thé et en échange, le père de la narratrice le remercie du fond du cœur pour sa participation au travail de construction de la maison.

 

    Le dessin naïf et rond de Tronchet, qui surprend un peu au départ, finit par coller finalement bien à l’histoire et aux décors avec des couleurs changeantes et très expressives qui sont différenciées selon les moments du récit.

 

    Album superbe, chronique à la fois sociale et historique, Là-bas touche par sa simplicité et par l’émotion qui s’en dégage. 

 

Benoît