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Appollo & Hua-Chao-Si - La grippe coloniale  t.1  

Vents d'Ouest - 2003

 

 

 

    1919, 1600 poilus de la grande guerre rentrent à la maison, sur l'île de la Réunion. Parmi eux, Grondin l'éternel optimiste, frondeur et bagarreur, Evariste le narrateur, Camille de Villiers l'aristocrate créole défiguré par l'explosion d'une bombe et Voltaire le tirailleur sénégalais. Une bande de copains, liés par une chose que le commun des mortels ne peut connaître, l'expérience partagée des horreurs de la guerre.

 

   Sur l'île, la vie a suivi son cours et bien naïf le "héros" de guerre qui penserait que son statut puisse prévaloir sur les structures sociales coloniales établies de longue date. Chacun se doit de rester à sa place, de tenir son rôle, même si chez certains le refus de voir en face la réalité d'un monde en mutation ne pourra plus perdurer bien longtemps. Mais en attendant, la machine tourne toujours…

 

    Sur la "Madone" qui ramène les poilus se trouve également un chargement de terre. Et cette terre porte le virus de la grippe espagnole, qui fait des ravages en Europe et se fiche bien du prétendu isolement de l'île dont se prévalent les autorités pour gérer le statu quo social et politique.

 

    La grippe coloniale présente un portrait vivant et bigarré, qu'on devine sans peine fidèle et très documenté  de la vie sur l'île à l'époque. En quelques planches, quelques décors, quelques descriptions, on y est. L'analyse sociologique est fine, elle fait mouche et procure un cadre convaincant au fil principal du récit, les tribulations picaresques de la bande de copains d'Evariste. De bordel en garden-party huppée, rhum, filles et bagarres scellent les retrouvailles des copains avec leur île. Chacun à sa manière tente de retrouver une place dans une Réunion traversée par les tensions sociales et raciales. Mais rien n'est simple et, derrière la gouaille, l'amertume est plus d'une fois au rendez-vous.

 

    Et bientôt, la grippe fait ses premières victimes, l'épidémie se répand à partir des quartiers pauvres. La panique s'installe, la population fuit vers le centre de l'île et ses montagnes. Pendant ce temps, à Saint-Denis règne la désolation et, face à la démission des autorités administratives et religieuses, il faut toute la détermination d'un docteur pour organiser les soins, à l'hôpital et au bordel utilisé comme annexe.

 

    La suite et la fin de ce récit très fort paraîtra dans quelques mois sous le titre Cyclone La peste. On est déjà impatient de retrouver tout ce petit monde, même si on devine que l'île et ses habitants s'apprêtent à vivre bien des heures sombres et que le futur immédiat qui se profile à leur horizon ne sera guère radieux.

Et une fois l'épidémie vaincue, quelles transformations l'île va-t-elle subir? Quelle place pourront y prendre ses différents habitants ?

 

Fred