BD

Jirô Taniguchi  - Le journal de mon père   

Casterman/coll. écritures - 2004

 

 

 

    Initialement paru en trois volumes entre 1999 et 2000 le journal de mon père se voit réédité en un seul bloc et confirme l’importance de cette oeuvre majeure dans la Bande dessinée contemporaine.

D’une beauté et d’un grâce immense, le journal de mon père dépasse le cadre strict de la Bd pour rejoindre le panthéon les grandes oeuvres narratives de ces dernières années. 


    Comme la plupart des grands récits de la littérature, le journal de mon père est au départ une histoire simple : le retour d’un fils sur les terres de son enfance qui vient assister aux funérailles de son père.

Yochi Yamashita, personnage central de l’histoire, retrouve la ville de son enfance ainsi que sa famille après leur avoir tourné le dos pendant des années. A travers ce retour aux sources, il se remémore des souvenirs liés à sa jeunesse et tente de comprendre les raisons pour lesquelles il a toujours entretenu des rapports distanciés avec son père et pourquoi ses parents se sont séparés alors qu’il n’était qu’un petit garçon.

 

    Oeuvre grandiose, on l’a dit, le journal de mon père, en plus de poser un regard sur le Japon de ces 50 dernières années, est une introspection au cœur de l’âme humaine. Au centre du récit c’est bien le rapport au père qui prédomine et les liens compliqués qui unissent un homme à son fils. On y verra la douleur et les regrets d’un homme qui n’a pas su comprendre réellement qui était son père. Au-delà même de cette relation, on découvre également les non-dits, le rapport à la famille, qui rendent la vie parfois compliquée alors qu’elle devrait être simple, dans un pays ou l’orgueil et la fierté sont pas des vains mots.

Le journal de mon père est donc avant tout un récit sur les sentiments humains, sur les liens familiaux qui unissent oui désunissent les être entre eux. Et c’est là que Jirô Taniguchi réussit quelque chose de très fort, en dressant un portrait sensible et plein de justesse (en partie autobiographique) dans lequel il fait passer les émotions avec une simplicité extraordinaire.

 

    D’un point de vue graphique, là aussi, Taniguchi fait preuve d’un grand talent en proposant un trait léger et fin, emprunt d’une grande douceur et plein de subtilité, qui donne à la narration une dimension supplémentaire. Et derrière ces visages aux traits doux, derrière ces paysages calmes si bien dessinés, on découvre des vies tourmentées mais sans jamais la moindre effusion de colère.

 

    Avec Marjane Satrapi, Jirô Taniguchi fait partie des auteurs les plus marquantes que la BD ait connu ces dernières années. Avec Persepolis ou le journal de mon père on découvre deux oeuvres majeures que l’on peut d’ailleurs rapprocher conjointement de par l’aspect autobiographique évidemment, mais aussi pour le témoignage qu’elles laissent de leur civilisation et par le récit superbe que ces deux auteurs en font.

 

Benoît