BD

Ebine Yamaji - Love My Life    1/2

Asuka – 208p, 9€ - 2004

 

 

 

     La publication de Love My Life constitue un petit événement dans l’édition francophone du manga puisqu’il s’agit du premier manga traduit dans nos contrées dont le sujet principal est l’homosexualité féminine (appartenant en cela à ce qu’on appelle au Japon le yuri). C’est donc une nouvelle facette de la bande dessinée japonaise que nous donnent à voir aujourd’hui les éditions Asuka avec la publication de ce one-shot d’une jeune mangaka. L’héroïne de ce manga, Ichiko, étudiante en anglais avec l’ambition de devenir traductrice comme son père, avec lequel elle vit seul depuis la mort de sa mère, va lui annoncer qu’elle vit une histoire d’amour avec Eriko, une fille tout comme elle. A partir de là, l’héroïne va se poser un certain nombre de questions sur sa sexualité, sur sa condition, sur les rapports qu’elle entretient avec ses proches et avec les autres.

 

    D’emblée, on est frappé par le trait de l’auteur, très simple, très épuré. Les cases sont parfois un peu vides, et les décors souvent absents mais il faut reconnaître que le dessin ne manque pas malgré tout au premier abord de charme et de maîtrise et l’on se dit que la simplicité vaut souvent mieux qu’un dessin complexe et chargé à l’extrême jusqu’à en devenir illisible. Toutefois, en participant à l’instauration d’une atmosphère paisible et tranquille, il contribue peut-être à renforcer les défauts de l’œuvre.

 

    En effet, si le thème est inédit en français en ce qui concerne les mangas, et qu’il est susceptible de déboucher sur quelque chose de fort intéressant, le traitement n’est pas vraiment convainquant. D’une part, on a l’impression de voir évoluer des personnages en vase clos. Tout le monde, ou presque, est ici homosexuel, que ce soit la plupart des proches ou des amis rencontrés. Non pas que ce soit a priori un mal ou un défaut, bien entendu, mais cela nuit considérablement à la force de l’oeuvre. En effet, pour engager une quelconque réflexion sur l’homosexualité et son corollaire, l’homophobie, il semble nécessaire me mettre également en scènes des hétérosexuels, autres que caricaturaux..

 

    Mais surtout, en dépit de quelques scènes qui touchent juste (et notamment toutes les représentations de l’acte sexuel, échappant à toute idéalisation et à tout voyeurisme), le traitement opéré par l’auteur est beaucoup trop gentillet. Non seulement l’héroïne est très fade, trop candide, très peu attachante mais l’ensemble manque énormément de vigueur, d’intensité, de spontanéité, et donc de vie. On ne sent pas réellement de chaleur humaine et on n’a pas l’impression de voir véritablement les personnages évoluer, impression renforcée par le trait vide et épuré. De plus, si les questionnements et les problématiques abordés sont intéressants, ils restent à la fois beaucoup trop survolés, et traités avec beaucoup trop de tiédeur. Dans l’ensemble, malgré l’originalité du sujet, on pourrait paradoxalement affirmer que cela reste trop convenu.

 

    Ainsi, on ne peut s’empêcher d’être un peu déçu à la lecture de Love My Life, puisque cette première publication d’un manga centré sur l’homosexualité féminine ne comble pas les espérances que l’on pouvait en attendre. Reste néanmoins une lecture qui demeure relativement agréable et une œuvre qui fait l’effort de présenter des personnages dans un cadre plutôt réaliste.

Vincent Monnoir

 

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L'éditeur : http://www.asuka.fr