BD

Tayou Matsumoto - Number 5   

Kana – 2004 (2 volumes parus)

 

 

 

    Cinquième œuvre du mangaka à être publié en français, Number 5 est peut-être la plus surprenante de toute, sachant que l’auteur excelle pourtant dans les univers personnels, surprenant et déroutant. Dans un monde qui semble bien être la Terre, mais visiblement dévasté par des drames écologiques, le conseil Rainbow, composé de neuf membres (de Number 1 à Number 9), forme l’armée de protection de la paix. Mais l’un d’entre eux, Number 5, est en fuite pour de mystérieuses raisons, et a emmené avec lui une femme Matriochka.

 

    Number 5 est avant tout un grand choc esthétique. Le style si particulier de Matsumoto est ici poussé à son paroxysme, et on peut s’avancer sans trop de risque à dire que l’auteur fait preuve d’un brio qui surpasse tout ce qu’il nous a montré auparavant. Ainsi, on remarque la très grande variété dans le style, qui évolue de la caricature enfantine à un dessin par moment très réaliste, très soigné, tout en passant par son style habituel très personnel, tremblotant mais parfaitement maîtrisé. D’une planche à l’autre et même parfois d’une case à l’autre, le dessin change complètement d’aspect, selon le propos de l’auteur, selon ses intentions, son envie, ce qu’il illustre. Véritablement, on trouve poussé ici à son maximum l’osmose entre le fond et la forme.

 

    D’apparence simpliste, l’intrigue s’avère au contraire particulièrement intrigante, tant l’auteur prend soin de déboussoler son lecteur, de le malmener, de l’égarer. Au-delà de la simple mise en scène d’une fuite, l’œuvre déroute surtout par l’univers extrêmement étrange développé par Matsumoto. Outre l’organisation politique basée sur ce conseil Rainbow de neuf membres, Number 5 nous entraîne dans un monde peuplé d’animaux génétiquement modifiés, de paysages cocasses. Les personnages eux-mêmes possèdent une envergure particulière, notamment par leur accoutrement fantasque. Le scientifique le plus important, Papa, est ainsi constamment vêtu d’un costume de Lapin rose. De même, on retrouve les codes qu’affectionne l’auteur, notamment dans les idéogrammes de chacun des personnages qui représentent un concept précis.

 

    Echappant ainsi à toute véritable linéarité grâce à la multiplication des points de vue, aux nombreux points de vue, Number 5 se présente, dès ces 2 tomes, comme une série extrêmement prometteuse. Laissant énormément de liberté au lecteur, tout en donnant libre cours à son imagination, Matsumoto prouve une nouvelle fois son immense talent. Number 5 s’avère plutôt difficile d’accès, notamment en comparaison à l’excellent Ping Pong, mais le jeu en vaut la chandelle. L’un des titres phares de ce début d’année, sans aucun doute.

 

Vincent