BD

Joann Sfar - Pascin     

L'association (série en cours)

 

 

    Avec Pascin, Joann Sfar s'attaque à la biographie d'artiste.

Julius Mordecai Pincas, alias Pascin, juif d'origine bulgare, fait partie au début du vingtième siècle de ce qu'on a appelé l'Ecole de Paris, qui regroupait, sans cohérence stylistique, des artistes étrangers (surtout d'Europe centrale) venus à Paris chercher liberté, gloire et reconnaissance. On peut citer parmi les plus connus Chagall, Brancusi, Soutine et Modigliani.

Sfar nous propose sa vision du Paris de l'époque, loin de l'imagerie associée à Hemingway, Café de Flore et cie. Il nous montre un Paris bohème, mais sale, râpeux et vivant.

 

    Avec sa maîtrise habituelle des dialogues (toujours savoureux et d'une redoutable intelligence) et l'extrême sensualité de son trait, il propose avec Pascin, l'œuvre dans laquelle son amour et sa tendresse pour ses personnages sont les plus prégnants.

On n'est pas ici dans la reconstitution historique poussiéreuse, et Sfar ne se prive pas de prendre de grandes libertés avec la réalité des faits en juxtaposant les scènes inventées et les digressions pour former un récit kaléidoscopique, vraisemblable et pertinent. Sa grande maîtrise du sujet lui permet cette liberté.

 

    C'est ainsi que se croisent pour notre plus grand bonheur Pascin, Soutine, Chagall, l'autrichien Kokoschka et sa poupée, de nombreux modèles et bien d'autres personnages hauts en couleurs. Et de quoi discutent ces gens? Eh bien évidemment, de peinture et de sexe. Et que pratiquent-ils chacun à leur manière? Eh bien, tout aussi évidemment, la peinture et le sexe.

 

    Sfar décrit son projet, le plus libre de tous, comme de la bd "la bite à l'air", et c'est bien de cela qu'il s'agit tant les thèmes abordés, le doute face à la création, le rapport de l'artiste et de son modèle, le rapport entre la peinture et l'amour, la peinture dans la vie et la vie dans la peinture, sont montrés en lien direct avec le sexe et l'amour.

A travers la peinture, l'auteur réussit à marier, avec humour et gravité, légèreté et profondeur, une vision solaire de l'amour et de la femme avec la débauche et le sordide, sans jamais tomber ni dans le sentimentalisme ni dans l'obscénité de la pornographie.

 

    Pascin, c'est le dessin comme force vitale. Le dessin et la peinture comme incarnation de la vie et des pulsions qui nous animent. Incarnation d'une vie qui déborde. Pascin, une bd qui bande dur.

 

Fred