BD

Debbie Drechsler - The Summer of Love  

L'association - 144p, 20€ - 2004

 

 

 

    Après un premier album, Daddy's Girl, un recueil de nouvelles, la plupart dans un noir et blanc glauque et étouffant qui aborde le problème de l'inceste de manière frontale, Debbie Drechsler retrouve quelques uns de ses personnages avec The Summer of Love. Lily et sa famille déménagent une fois de plus, et viennent s'installer à Woodland, petite ville de banlieue américaine typique. Là, Lily et Pearl vont devoir de nouveau s'intégrer à une communauté peu ouverte.

 

    A première vue, The Summer of Love paraît plus léger que son prédécesseur, l'auteur laissant totalement de côté la relation incestueuse entre Lily et son père. Le père, d'ailleurs, est pratiquement absent du livre, mais le regard terrorisé que Lily lui décoche dans l'une des deux scènes où il intervient suffit pour nous rappeler toute l'horreur de sa situation. Et même si The Summer of Love se démarque de Daddy'sGirl par un graphisme beaucoup plus élégant et moins torturé, ainsi que par une mise en couleurs dans des tons verts et marron mornes soulignant le caractère anodin de l'histoire, le propos et les thèmes de prédilection de Debbie Drechsler restent les mêmes, et prennent même une nouvelle force par leur côté banal.

 

    Ce que fustige de manière virulente l'auteur dans The Summer of Love, c'est une certaine "dictature du regard de l'autre", et le pouvoir que celle-ci donne, surtout aux hommes. Lily se retrouve complètement soumise à cette dictature, cherchant assez pathétiquement à plaire quand le regard des autres est posé sur elle. Déboussolée et isolée des autres, elle devient une proie facile pour le crétin arrogant de la ville, et s'engage dans un cercle vicieux en reproduisant involontairement la relation de soumission qu'elle avait avec son père. Pearl aussi subit le regard accusateur des autres, elle qui commence à aimer sa meilleure amie. La nature de cette relation l'isole complètement du reste de la communauté, et la désigne comme victime rêvée pour tous les petits dictateurs du collège.

 

    Les seules plages de paix présentes dans l'album sont des scènes où Lily se trouve dans les bois. Là, à l'abri des regards, elle peut se laisser aller. Les bois représentent une sorte de sanctuaire, un endroit où l'on peut être vraiment soi. Mais même les bois de Woodland ne sont pas à l'abri du regard des autres: Lily en fera les frais, et ce regard posé sur elle alors qu'elle se croyait "libre" et qu'elle se laissait aller évapore d'un coup tout sentiment de sécurité que les arbres pouvaient avoir provoqués.

 

    Tout cela fait de The Summer of Love un livre presque aussi étouffant que Daddy's Girl. Même si la forme est beaucoup moins brutale et fonctionne énormément par "non-dits", Debbie Drechsler parvient à nous mettre mal à l'aise en nous dépeignant ces petites scènes finalement classiques de la vie d'adolescent dans les petites villes des Etats-Unis. The Summer of Love marque et fait froid dans le dos.

 

Olivier Tropin                    

 

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Chronique Daddy's girl

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