BD

Christian de Metter - Vers le démon 

casterman/un monde - 56p, 13.75€ 

[3.5]

 

 

De la bande dessinée cinématographique : voilà de quelle manière  Vers le Démon pourrait être rebaptisé. Car tout ici fait référence au septième art, qu’il s’agisse des planches faites de dessins empruntés au vocabulaire filmé (plan américain, panoramique, gros plan, champ et contrechamp…) ou au scénario, fuite en avant de personnages atypiques dans un road-movie riche en « lieux » connus et clichés rebattus ; ce type de synopsis qui nourrit la plupart des genres cinématographiques contemporains.  

 

On pense donc systématiquement au cinéma lorsque l’on découvre ce scénario prenant bien qu’assez peu original. Jack embarque l’autostoppeuse Sarah vers le grand nulle part. Chacun a une histoire trouble, un passé enfoui, et accepte pourtant l’autre, dans sa différence ou son mutisme. Mais la rencontre avec le jeune Niels, passager supplémentaire du convoi incongru, va modifier la donne et exacerber les passions les plus enfouies en chacun d’eux, jusqu’au dénouement final, sombre mais inévitable. Difficile de davantage rentrer dans les détails sans entacher la progression, même mince, de cette histoire.

 

Christian de Metter inscrit de grands thèmes (rédemption, mort, violence, pardon, amour et haine) dans ce voyage d’êtres bafoués ou meurtris, blindés par une existence qui ne les aura que peu épargnés, et il s’équipe de multiples références pour appuyer ses propos : lieux communs du mythe américain (le Route 66, ses motels, ses stations d’essences et ses bars miteux), littérature américaine du siècle passé (Hubert Selby Jr en étendard, qui plane tout le long de la BD - jusqu’au titre même !).

 

Vers le Démon n’aurait pu être qu’un énième album de road-movie désenchanté. Mais De Metter y injecte une atmosphère assez chatoyante et douce, dans un univers par ailleurs glauque : cela est dû à sa manière particulière d’utiliser une aquarelle aux couleurs vives sur du crayonnage assez léger, créant ainsi des tableaux de peinture miniatures, comme autant d’instants figés doux, de clichés photos ou cinématographiques. Le tout donne un époustouflant résultat graphique, un album superbe pour une histoire somme toute quelconque. L’auteur choisit les plus beaux attraits pour atténuer son propos vraiment pessimiste, très eastwoodien finalement, selon lequel l’homme, de par sa nature primitive, est toujours rattrapé par le Mal.

 

A découvrir, surtout pour le talent de dessinateur de Christian de Metter.

 

Jean-François Lahorgue

 

Date de parution : 11/01/2006

 

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