BD

Blutch - La Volupté

Futuropolis - 105p, 15 € 

[4.0]

 

 

Chez Blutch, lorsqu’il est question de Volupté, on est plus proche de la définition du Larousse ("plaisir des sens, jouissance de l’esprit" que de chez Baudelaire. Ici, point de calme, un peu de luxe, de luxure même, et pas mal de volupté, donc. L’auteur s’en remet à ses fantasmes primaires, on n’est plus dans la bande dessinée codifiée et facilement identifiable, Blutch n’a plus rien à prouver, il s’évade dans les méandres de ses dessins brouillons, bruyants et brillants, et il devient difficile mais passionnant de le suivre.

 

Le dessin est désormais sublime : l’auteur ne s’accorde que deux tonalités et un seul matériau : un crayon tantôt noir pour les sentiments obscurs, tabous, les zones d’ombre de ses personnages atypiques, et tantôt rouge pour passionner les situations, érotiser les cases, provoquer l’émoi jusqu’à l’orgasme. Défilent des pages déconstruites, de véritables œuvres d’art, que le papier des éditions Futuropolis rend encore plus superbes. L’agencement des cases, si cases il y a, devient parfaitement anarchique, et les petites histoires également.

 

Des situations qui se font écho, qui se croisent ou se maintiennent à distance les unes des autres, et des scénarios vraiment drôles, dans le sens le plus littéral du terme, c'est-à-dire à la fois étranges et souvent amusantes : voici la teneur de cet album particulier. Blutch l’éternel cynique devient ici un peu désabusé et s’amuse à dérouter et provoquer le lecteur dans ses fantasmes souvent sexuels : un singe est recherché par des hommes, cette bête s’intéresse aux femmes, les femmes ont besoin d’une bête pour jouir : l’éternel thème du plaisir primal, cher à l’auteur, qui trouve ici son apogée dans de beaux dessins sensuels et presque malsains, car on aime tous se délecter de pages qui mettent un peu mal à l’aise. Autour de cette trame se tissent des saynètes décalées, s’articulant  toutes autour du thème de l’avidité, de la recherche de l’orgasme, tout en se dégageant joliment des clichés inhérents au genre.

 

Ceci étant, La Volupté  n’arrive pas à convaincre tout à fait : on décroche assez souvent devant l’accumulation d’idées souvent saugrenues de l’auteur, qui décline le thème voluptueux sous ses formes les plus complexes (sexe, solitude, tabou, pouvoir) sans prendre de gants. Mais les dessins emportent l’adhésion : rarement Blutch aura été aussi suggestif, aussi imposant, agressif et fascinant. C’est vraiment de l’illustration majuscule, qui confine à l’Art, tout simplement. On attend impatiemment une exposition qui lui serait consacrée…

 

Jean-François Lahorgue

 

Date de parution : octobre 2006

 

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