cinéma

Assassination tango de Robert Duvall      

 

 

    Peut-être est-ce dû à tous ces airs de bandonéon qui illustrent des figures chaloupées et charnelles de tango, ou le port est altier et la jambe des danseuses, fines et élégantes, mais le qualificatif qui surgit d’abord à l’esprit en voyant le dernier film de l’indépendant Robert Duvall, c’est celui de classe. Quelle classe en effet tout au long de ce voyage qui a commencé à New York et se prolonge à Buenos Aires. Et à plus de soixante-dix ans, Duvall fait preuve d’une vitalité et d’un tempérament surprenants et jubilatoires.

 

    Aux Etats-Unis, John J, interprété de manière sidérante par le réalisateur lui-même, promène sa silhouette de vieux beau (dont les français trouveront à coup sûr une ressemblance stupéfiante avec notre Christophe national), du côté de Brooklyn, entre la fille de sa copine à qui il voue une dévotion passionnelle et les clubs de danse où sa mère l’a traîné depuis tout petit. Une vie faite de petites roublardises qui cache en fait une activité de truand réputé et reconnu qu’un argentin fait venir dans la capitale pour éliminer un général à la retraite au passé peu reluisant.

John J n’accepte la mission que parce qu celle-ci doit durer trois jours, lui permettant ainsi d’être de retour à New-York pour fêter l’anniversaire de la petite. Hélas, un accident tient éloigné le général de Buenos Aires plus longtemps que prévu, ce qui laisse à John J tout le temps de se baguenauder et de rencontrer lors d’une de ses incursions dans les salles de tango la belle Manuela. Celle-ci devient une tendre amie qui l’introduit dans les cénacles fermés du tango et lui sert de professeur.

 

    A l’image d’un titre qui fait se côtoyer le meurtre et la danse, le film est aussi marqué par la dualité : celle des lieux évidemment, mais aussi celle des ambiances, puisque nous sommes d’abord dans un film noir où il est question de vengeance et de meurtres. Cependant, il est laissé la plus grande part aux pérégrinations du tueur, solitaire et curieux. Tout cela est traité avec infiniment de détachement, sans violence excessive. Ce vieux briscard de John J connaît son boulot, et ce ne sont pas les néophytes sud-américains qui vont le lui apprendre.

Bien sûr, le charme du film tient beaucoup à l’interprétation de Robert Duvall, qui fait de son héros une sorte de double : cabotin au possible, absolument pas crédule ni naïf et d’une séduction redoutable, un homme au cœur d’artichaut qui fond devant la petite Jenny et est ému aux larmes par quelques pas de tango ou quelques souvenirs de danseurs nostalgiques. Lequel homme, au ricanement totalement irrésistible et au regard pétillant de malice, est capable quelques heures plus tard de faire preuve du plus grand sang-froid et d’une anticipation efficace et salutaire. Dualité toujours….

 

    Servi par une mise en scène maîtrisée, qui utilise au mieux les couleurs et les effets musicaux, Assassination Tango est un petit bijou sensuel et mélancolique sous le charme duquel on tombe facilement. Pourquoi se priver d’un tel bonheur ?

 

Patrick Braganti

 

Américain – 1 h 54 – Sortie le 18 Août 2004

Avec Robert Duvall, Rubén Blades, Kathy Baker, Lucianna Pedraza, Julio Oscar Mechoso

 

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