cinéma

El Camino de San Diego de Carlos Sorin

[3.0]

 

 

Cinéaste emblématique du regain de santé de la production sud-américaine, Carlos Sorin, après une absence de treize années passées à tourner des spots publicitaires, revint à la réalisation en 2002 avec Historias minimas. A lui seul, le titre de cette escapade en Patagonie du Sud où se croise le destin de plusieurs voyageurs résume bien le créneau sur lequel Carlos Sorin a décidé de s’établir : celui d’historiettes mettant en scène des gens modestes, souvent victimes directes de la crise traversée par le pays, dont le quotidien se retrouve ébranlé par un événement inattendu : ici une loterie télévisée, là un chien (Bombon el perro en 2005).

 

Tati, humble bûcheron travaillant dans les vastes forêts du nord-est, n’échappe pas à la règle. Le jeune homme au regard candide et naïf voue un culte immodéré comme nombre de ses compatriotes à la star nationale du football : Diego Maradona. Portant en permanence un maillot rayé barré du fameux numéro 10, Tati est allé jusqu’à se faire tatouer le même numéro dans le dos. Un jour, il trouve une racine dans laquelle il voit une représentation de son idole. Lorsque le joueur est hospitalisé en soins intensifs, Tati se décide à aller offrir son trophée à la star convalescente et s’embarque pour un long périple balisé de multiples rencontres et péripéties.

 

Avant de devenir un road-movie convenu, El Camino de San Diego se présente d’abord comme un documentaire où les amis et les collègues de Tati expriment face caméra leurs avis amusés, dubitatifs ou franchement incrédules sur sa passion et sa découverte. Le jeune homme, par ailleurs père de trois enfants, est la cible consentante des gentils sarcasmes de son entourage qui n’hésite pas cependant à en faire le messager de l’admiration débordante portée à Diego.

Ces mêmes supporters fébriles et inquiets, Tati les croise tout au long de sa route, y compris un rugueux routier brésilien qui, mettant entre parenthèses sa dévotion au roi Pelé, accepte d’aider Tati à atteindre les faubourgs de Buenos Aires où Maradona, échappé de la clinique, a trouvé refuge dans une somptueuse villa.

 

Pétri de bons sentiments et tendant parfois vers la mièvrerie, El Camino de San Diego reprend le dispositif déjà éprouvé dans les films précédents : faire tourner des non-professionnels qui constituent une galerie de trognes tendres et attachantes, avec comme souci de s’approcher au plus près du réel, au-delà de la simulation imposée par toute fiction. Ici l’emprise du réel est encore renforcée par l’inclusion de l’épisode hélas véridique des ennuis de santé de Maradona. Sous ses dehors de petit film sympathique, El Camino de San Diego dresse en creux le portrait des déshérités : Tati vient d’être viré par la société forestière qui l’employait et il croise un bus de pèlerins qui s’en vont prier un de leurs saints pour les soutenir dans leur misère. Car n’oublions pas que l’Argentine, à l’image de tout le continent, est un pays farouchement catholique où on ne badine pas avec la religion et ses représentations. Icône païenne mais ô combien réelle, Diego Maradona cristallise l’énergie de ses admirateurs les plus humbles, prouvant combien la foi peut soulever des montagnes.

 

Sans jamais se prendre au sérieux, El Camino de San Diego offre un joli moment de tendresse et de sensibilité. La succession de rebondissements nous emporte à la suite de Tati, garçon passionné, pittoresque et généreux. Résolument optimiste et regardant plus vers le conte de fées que la chronique sociale, Carlos Sorin évite néanmoins l’écueil du misérabilisme.

 

Patrick Braganti

 

Comédie dramatique argentine – 1 h 38 – Sortie le 13 Juin2007

Avec Ignacio Benitez, Carlos Wagner La Bella, Paola Rotela

 

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www.tfmdistribution.com/elcaminodesandiego