Eros
Thérapie de
Danièle Dubroux
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La question qui vient immédiatement à l’esprit à la
sortie du dernier film de Danièle Dubroux ne réside
pas en des réflexions philosophiques sur la capacité
des hommes à se déterminer et à changer de voie, mais
hélas et plus prosaïquement : qu’est-il arrivé
à cette réalisatrice ? Qui, avouons-le, nous
avait jusque là laissé un bon souvenir de spectateur,
notamment dans la première partie des années 90 où
elle commit Border line et surtout Le journal
du séducteur, une variation drôle et légère sur
le sentiment amoureux sous fond très littéraire – il
y était beaucoup question de Kierkegaard.
Dix années sont passées par là, qui n’ont pas été
très bénéfiques à cette figure du cinéma parisien,
intello et nombriliste, perdant au passage beaucoup
d’inspiration. Il faut effectivement beaucoup en
manquer pour bâtir une histoire abracadabrante où un
avocat en peine de reconquérir une épouse tombée dans
les relations lesbiennes se voit aider par un jeune
blanc-bec qui envisage la conquête de la copine de la
femme. Admettons que cette affaire tarabiscotée puisse
produire quelques quiproquos et quelques retournements
de situations. Mais pourquoi y mêler un cabinet
d’antipsychiatrie qui soigne ses pauvres patients névrosés
et ennuyants à coups de jeux sado-masochistes éculés,
dirigés par une dominatrice campée par Claire
Nebout, pas crédible une seule minute ? Et
encore y rajouter une pauvre fille prénommée Hélène
dont l’objectif central dans la vie est de tomber
enceinte ? Tout cela n’apporte pas grand-chose,
multipliant des scènes qui s’accolent sans grand
souci d’enchaînement et de cohérence et ôtant au
film tout rythme, ce qui ne lui permet jamais de décoller
réellement. Au contraire il s’englue définitivement
dans ce ballet de manœuvres pour faire peur et séduire,
dignes des mauvaises pièces du théâtre de boulevard.
Ici ce n’est plus l’amant, mais l’intrigant
assassiné et soudain gênant qui se retrouve au
placard.
D’ailleurs, c’est bien là où le bât blesse :
on ne croit pas beaucoup à toutes ces volte-face et
bien pire on ne se sent pas réellement impliqués. Les
comédiens pourtant excellents sous d’autres
projecteurs semblent ici faire jeu minimum, mis à part
– concession facile – un François Berléand
dépassé par les événements, restant imperturbable et
détaché devant tout ce cirque.
Comme
d’habitude chez Dubroux, les décors presque théâtraux
sont chargés en rideaux, en tentures rouges et en
mobilier baroque, conférant à Eros Thérapie
une impression de lourdeur, de manque d’aération,
bref d’étouffement.
Qualifiée à l’envi par des critiques (décidément déroutants)
de fine, drôle et intelligente, cette farce fourrée à
la psychanalyse de bazar s’avère un soufflé qui
tombe à plat par l’ennui profond qu’elle distille.
Et puis cette idée qui sous-tend le film de modifier le
destin, en l’occurrence ici de ramener une jeune fille
homosexuelle dans le « droit » chemin
d’une relation hétéro, si on veut bien y réfléchir
deux secondes, finit par exhaler un fort parfum de
normalité réactionnaire, dont bien sûr on veut bien
croire qu’il n’était pas dans les intentions premières
de la réalisatrice.
Que
ces pensées viennent à l’esprit du spectateur déçu
et accablé prouvent, si nécessaire, combien la thérapie
proposée par le docteur Dubroux ne pourra vous
soigner. Même pas certain qu’elle vous divertisse un
peu, donc à jeter illico avec la posologie.
Patrick
Braganti
Français
– 1 h 46 – Sortie le 25 Août 2004
Avec
François Berléand, Catherine Frot, Melvil Poupaud,
Isabelle Carré
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