Monster
de
Paty jenkins 
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Ce premier film de la cinéaste américaine Patty
Jenkins est basé sur une histoire vraie, celle d’Aileen
Carol Wuornos, première « serial killeuse »
étiquetée comme telle, ayant commis six meurtres entre
1989 et 1990, et qui sera arrêtée, condamnée et exécutée
par injection létale en 2002 (après avoir passé douze
ans dans le « couloir de la mort » d’un pénitencier
de Floride). Prostituée dès son plus jeune âge (après
une enfance où elle a été probablement battue et violée),
mère à 14 ans d’un bébé qu’elle abandonne,
zonarde toujours sur les routes et au bord du suicide,
elle rencontre un soir Selby Wall, une jeune
adolescente lesbienne paumée, en rupture familiale, de
qui elle tombe amoureuse. Vont alors s’enchaîner la
suite des événements qu’on connaît, et
l’engrenage auto-destructeur qui va la conduire droit
au mur… Le film commence à la rencontre d’Aileen
et de Selby dans un bar gay de Daytona Bach, et
s’achève à l’entrée en prison.
Pour la petite histoire, c’est intéressant de savoir
que la nuit précédant son exécution, la vraie Aileen
Wuornos décida de transmettre à la cinéaste 7.000
lettres échangées avec une amie d’enfance, courrier
intime auquel personne n’avait eu accès
jusqu’alors. Ce qui permit à l’actrice Charlize
Theron de mieux appréhender le personnage.
L’interprétation qu’elle fait d’Aileen, qui
lui a valu de nombreux prix (Oscar, Ours d’argent et
Golden Globe de la meilleure actrice), vaut d’ailleurs
son pesant d’or, même si elle joue par moments un
poil trop « Actor's studio » avec sa prothèse
et son rictus aux lèvres ; quoique... quand on y pense,
cela colle bien au rôle de ce « monstre »,
cassée par la vie, qui fanfaronne pour ne pas pleurer
et n'espère, au fond, qu'un peu d'amour... sociopathe
qui aimerait bien s'en sortir mais que la société
continue à écraser comme un rouleau compresseur, et
qui essaye pourtant de survivre et de rester digne - même
dans les pires moments - et nous touche ainsi bien malgré
nous... ; Charlize Theron nous fait ainsi le
pendant de Robert De Niro (« Raging Bull »)
en s’étant investie corps et âme (c’est le cas de
le dire), sans hésiter une seconde à casser son image
glamour ! Ceci étant, Christina Ricci lui donne
la réplique joliment (impeccable dans le rôle de
l’ado paumée, « innocente » et
opportuniste, manipulatrice et amorale, beaucoup plus
monstrueuse, au fond, derrière son côté faussement
candide... que sa comparse...).
Certes, le film est noir, l’atmosphère glauque,
sordide… à l’image de la vie d’Aileen,
mais il ne tombe pas pour autant dans le travers du
pathos (grâce notamment à une mise en scène plutôt
sobre et sans trop d’effets racoleurs), ce qui est une
gageure, déjà, en soi ! Cette histoire n’en
apparaît d’ailleurs que plus effrayante. Et le
constat implacable de cette Amérique des bas-fonds et
de la rudesse de la société qui engendre ainsi ses
« monstres » fait aussi de ce film un
plaidoyer
pas inintéressant contre la peine de mort ! (difficile
de comprendre, en effet, pourquoi aucune circonstance
atténuante n’a été prise en compte dans le procès
de cette femme, quand on voit sa biographie…).
En
bref, c’est un film à voir (ne serait-ce que pour
l'interprétation des deux actrices), même s’il est
assez rude émotionnellement... Le côté performance
est néanmoins peut-être un peu « too much »,
et n'empêche pas de masquer un propos, au fond, assez
vain... parce que ramené un peu trop facilement au
constat que la vie et la société est monstrueuse pour
certains... de même qu’on peut reprocher au film un
certain manichéisme (les flics tous corrompus, les
clients pervers, les personnes « normales »
présentées dans leur ensemble comme intolérantes…
alors qu’Aileen est présentée, elle, un peu
trop comme une « victime »…). Il manque ainsi
une certaine complexité psychologique, pour un premier
film néanmoins sincère et inspiré, et qui, par là même,
nous touche. A voir donc.
Cathie
Etats-Unis
– 1h51 – sortie le 14 avril 2004
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