roman

Nicolas Cauchy - La Véritable histoire de mon père

Ed. Robert Laffont – 170p, 16€

[4.5]

 

 

Il est des livres que vous détestez aimer dès les premières pages, des romans malsains qui vous agrippent aussitôt pour ne plus vous lâcher, des récits de vie terribles mais qui restent fascinants au fil des feuillets…incontestablement, le premier livre de Nicolas Cauchy, jeune écrivain résolument sadique, fait partie de cette catégorie. Celle des livres glacés et glaçants, terribles, mais aussi terriblement attachants.

D’entrée, l’auteur sait malmener son lectorat : le récit est à la seconde personne du pluriel… C’est un « vous » qui raconte l’histoire, c’est le narrateur, le héros, mais ce « vous » c’est aussi nous, les lecteurs, quasiment pris au piège de cette implacable fuite en avant, ce faux thriller aux accents romantiques, ce fol conte rempli de nombreux flash-backs et de rebondissements terribles.

 

« Vous », c’est avant tout Simon, père de famille approchant la cinquantaine, et que l’on retrouve au début du roman au volant d’une Porsche volée, avec à l’arrière sa petite fille de 4 ans…ou plutôt son corps inerte. Car Simon avoue dès les premières pages qu’il est l’assassin de sa propre fille. Et dès cet instant - dès cette phrase « vous avez commis l’irréparable », dès cette litanie qui hante tout le roman, intervenant à plusieurs reprises – dès ce moment, donc, le malaise s’immisce et ne vous lâche plus. Personnage immédiatement antipathique, Simon ne va pourtant jamais le rester tout à fait. Alternant descriptions de la cavale du père meurtrier et retours sur son passé, proche comme éloigné, le récit nous montre finalement que Simon est un époux et un père de famille presque banal, assez froid mais prévenant pour ceux qu’il aime, un peu fou, un peu volage aussi (même si les regrets surgissent). C’est un être surtout passionné : il adore autant qu’il déteste. Il voue notamment une haine quasi incompréhensible pour sa première fille née d’un premier mariage, cette adolescente qui le répugne et le trouble tout autant. Les pages sur les relations entre elle et Simon sont effroyables, presque agaçantes, et pourtant terriblement humaines.

 

Voilà pourquoi La véritable histoire de mon père est difficile à aimer : Cauchy nous renvoie en pleine gueule le manichéisme qui est caché en chacun de nous : on peut être à la fois capable de tout quand on est passionné. Jusqu’où va l’amour ? La raison ? La folie ? L’auteur ne répond pas, surtout pas, il ajoute en plus le doute, le doute sur tout ce que nous avons pu éprouver à la lecture de cette tragédie. Simon a du mal à « gérer ses émotions » comme il l’avoue au détour d’une confession, il en va de même pour le lecteur qui, à la fin, ne sait plus quoi penser de ces personnages.

 

Premier roman parfaitement maîtrisé, peut-être un peu trop à mon goût, c’est un de ces courts romans chocs, presque pervers, que vous lisez d’une traite et qui vous laisse secoué d’émotions diverses et dévasté. Soit un premier essai réussi. Nicolas Cauchy aimerait bien ne pas être aimé, mais nous sommes tous un peu masochistes…

 

Jean-François Lahorgue

 

Date de parution : 2 février 2006

 

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www.nicolascauchy.com