Olivier Triboulois a fait paraitre son nouvel album, Comme Si Tu Dormais, le 4 avril dernier. L’occasion de faire plus ample connaissance avec ce chanteur et musicien originaire d’Orléans.
Olivier Triboulois compose inlassablement des morceaux intimes, intimistes, presque méditatifs, avec des paroles empruntées à des poètes contemporains et une musique électro riche et complexe. Un de ces artistes indispensables qui font vivre la musique, loin des mégalabels. Voici un nouvel exemple de son travail avec Comme si tu dormais (qui sort sur le label marseillais Cœur sur toi).
Benzine : Même si nous avons régulièrement parlé de ton travail, pourrais-tu te présenter ?
Triboulois : J’habite à Orléans, je compose et j’enregistre à la maison dans mon petit home studio. J’ai sorti plusieurs albums de chansons, mais aussi des albums de musique instrumentale et des albums avec Yan Kouton. La plupart des albums sont des autoproductions. Mais depuis 2024, j’ai 2 labels : Lotophagus records pour les albums instrumentaux et Cœur sur toi records pour mon nouvel album de chansons. Le fait d’avoir un regard extérieur, c’est une opportunité pour avoir un recul sur mes morceaux, mais aussi cela ouvre la possibilité d’élargir le cercle des personnes qui pourraient éventuellement s’intéresser à ma musique.
Benzine : Triboulois est ton nom d’artiste. Pas un pseudo donc, ni même un nom particulier. Tu n’as jamais eu envie de changer de nom pour la musique ? Tu n’a jamais voulu développer plusieurs projets avec des noms différents (par exemple pour composer des formes de musiques différentes) ?
Triboulois : J’ai longtemps joué dans des groupes. Depuis 2020 je suis en solo et tout de suite prendre mon nom était une évidence. Le fait de ne pas y accoler mon prénom est aussi un choix pour justement ouvrir le champs des possibilités et permettre de participer à différents projets. De plus, c’est tellement difficile de se faire connaître et de se faire une place dans le monde de la musique que le fait d’utiliser un seul nom permet selon moi une meilleure visibilité.
Benzine : Tu as sorti pas mal d’albums. La musique représente donc une part importante de ta vie. Est-ce que tu écris tout le temps ? Une fois que tu as terminé un album, recommences-tu immédiatement à écrire ?
Triboulois : J’ai cette petite réputation d’être stakhanoviste en matière de sorties d’albums. Comme je le disais, j’ai la possibilité de composer et d’enregistrer à la maison ce qui permet un gain de temps mais aussi un moindre coût financier. En général j’ai plusieurs projets sur le feu : album de chansons, album instrumental et des compositions musicales pour les albums de Yan Kouton. Il est vrai que je travaille rapidement, je ne passe pas plusieurs mois sur un morceau. Même si depuis quelque temps j’ai une approche un peu différente notamment en peaufinant le mixage. J’ai la grande chance et le bonheur que l’ingénieur du son Gilles Martin fasse le mastering de mes albums, ce qui est un réel plus !
Benzine : Tu sors donc un nouvel album, Comme si tu dormais. Comment se sent-on quand un album sort ? C’est un jour spécial, ou pas ?
Triboulois : C’est forcément une sorte d’accomplissement. C’est une ouverture vers les autres, pour qu’ils découvrent mon nouveau « bébé ». Après comme l’album est terminé depuis plusieurs mois cela permet aussi de clore un chapitre et de se détacher de ses nouvelles chansons. Ce qui est très intéressant, c’est d’avoir le feedback des personnes qui vont l’écouter.
Benzine : La base de tes morceaux est électro, on pourrait parler d’électro-pop pour qualifier et classer ta musique (sur ton site bandcamp, tu parles de pop électro). C’est une catégorie, et cela donne donc une image réductrice de ton travail. Mais le monde de la musique aime bien les catégories. Est-ce que ça t’ennuie d’être associé à un type de musique ? Est-ce que ça te semble nécessaire ?
Triboulois : En fait, en tant qu’auditeur assidu de musique, j’avoue que je n’aime pas trop les catégories. Mais on en a besoin pour définir plus ou moins le style de musique. Personnellement je n’ai pas une définition claire et définitive de ma musique. Mais comme il faut se positionner, et en écoutant aussi des avis extérieurs, je me suis parti sur l’appellation chanson électro pop. Elle est forcément réductrice, il y a aussi peut-être aussi d’autres aspects de ma musique qui ne transparaît pas dans cette appellation.
Benzine : À propos d’un de tes précédents albums, j’avais parlé de d’une connexion entre ce que tu fais et une certaine tradition française… D’ailleurs, tu as sorti un EP de covers avec un morceau de Daniel Darc, de Taxi Girl, de Dominique A et même un morceau de Gilbert Becaud. As-tu l’impression de faire partie d’une scène ? Française, ou francophone ?
Triboulois : Il y a de artistes qui m’influencent et qui me donnent aussi envie de créer. Je pense que les deux choses sont très importantes. Cela serait présomptueux de ma part de m’intégrer dans une scène. Des artistes comme Dominique A, Daniel Darc, Daho, Bashung et Christophe m’accompagnent depuis plus de 30 ans. Au-delà de leur musique que j’adore, il y a aussi leurs démarches artistiques qui m’intéressent et qui me parlent au cœur et à l’esprit.
Benzine : Tu parles pas mal de relations personnelles dans tes chansons (pas seulement, mais beaucoup). C’est important ? Est-ce qu’il y a des thèmes qui t’intéressent particulièrement ?
Triboulois : Oui, il y a des thèmes récurrents : la solitude, l’absence, le voyage immobile, la nature, la rêverie…A l’écoute des textes, l’idée serait aussi que les personnes se fassent leur propre ressenti. Je suis assez loin de la chanson dite réaliste. Sur ce nouvel album, j’ai écrit la moitié des textes. L’autre moitié c’est Cédric Merland qui est à l’œuvre. C’est lui qui m’a proposé d’écrire des textes spécialement pour ce nouvel album. La chanson « Comme si tu dormais » qui donne le titre à l’album est sans doute mon texte le plus personnel, le plus limpide et très certainement le plus impudique.
Benzine : Ta musique est assez sombre, un peu angoissante. En partie à cause de la voix, de la manière dont tu chantes ou quelques fois déclame les textes, mais aussi à cause du contenu de ces textes, et à cause de la musique elle-même. Cela vient aussi du fait que beaucoup de morceaux sont assez lents (sur le dernier album, Pas perdus, Hors sol, CCTV, Qu’y a-t-il d’autre ?). D’ailleurs, sur l’album de reprises dont on a parlé avant, Cherchez le garçon est ralenti à l’extrême… comme la superbe cover de Et Maintenant, qui est très émouvante.
Triboulois : Sur ce nouvel album, la tendance est plus chanson qu’électro pop. C’est venu naturellement au fur et à mesure des compositions. Le côté sombre, cela vient sans doute aussi de ce que j’ai beaucoup écouté comme musique depuis que je suis ado. Et clairement, elle me permet de transmettre des émotions, des ressentis. Dans la vraie vie, je pense être quelqu’un de plutôt drôle, enfin, je l’espère ! Pour ma voix, j’ai essayé de trouver ma patte personnelle en adéquation avec mes musiques. En live, je pense que je suis un peu moins en voix parler et plus en voix chantée.
Benzine : Tu sors des albums instrumentaux et des albums avec des morceaux chantés. Comment est-ce que tu « décides » qu’une musique mérite des paroles, a besoin de paroles ? Est-ce un choix, ou ce sont les morceaux qui « décident » ?
Triboulois : La plupart du temps, c’est clair dès le début : ce morceau sera instrumental, celui-ci fera une chanson, un autre, ce sera pour Yan Kouton. Bon comme toute règle, il y a des exceptions, par exemple au départ « Plan d’évacuation » sur le nouvel album devrait être instrumental. À la lecture d’un texte de Cédric Merland, j’ai tout de suite entendu que ses mots sonneraient parfaitement à l’ambiance musicale de ce morceau.
Benzine : Tu travailles beaucoup avec des auteurs différents ? Souvent avec Yan Kouton, mais aussi avec d’autres. Quel est ton rapport à la littérature, à l’écrit, dans le cadre des chansons que tu composes ? As-tu besoin de ces textes comme d’un déclencheur ou est-ce la musique qui te guide ? Probablement un mélange des deux, d’ailleurs… Et quel est ton rapport à la littérature en général ?
Triboulois : J’aime depuis plusieurs années travailler avec des autrices et des auteurs. Cela permet de casser la routine et de chanter d’autres mots, d’autres atmosphères. Concernant la littérature je suis un piètre lecteur depuis plusieurs années. J’ai beaucoup lu quand j’étais ado et jeune homme. Maintenant, je lis uniquement un peu de poésie de temps en temps.
Benzine : Tu fais pas mal de concerts, souvent assez « intimes ». J’imagine que partager sa musique est quelque chose d’essentiel ; l’art n’existe pas sans communication, sans partage (encore plus la musique). Comment se passent ces concerts ? Y a-t-il vraiment cet échange avec les spectateurs ? Et est-ce que tu aimes jouer en public ?
Triboulois : Oui un concert, c’est une belle aventure, un échange direct avec les gens. Même si parfois les gens ne sont pas forcément hyper attentifs, cela dépend des lieux et des circonstances. Moi, j’aime cette exposition en live, sortir ce côté « exubérant » que j’ai en moi et qui est freiné dans la vie de tous les jours. J’ai fait pas mal de concerts en solo, mais depuis quelques mois, je répète avec un ami Fred Poulain (guitare et basse). Cela ouvre d’autres horizons en matière de présence scénique, mais cela permet aussi de proposer des versions différentes des chansons. On a fait récemment notre premier concert ensemble, on va essayer d’en faire d’autres dans les prochains mois.
Benzine : Quelles sont tes sources d’inspiration en musique ? Tes groupes préférés, tes morceaux fétiches ? Y-a-t-il des morceaux, des groupes, que tu écoutes de manière un peu compulsive ? Et parmi les jeunes groupes d’aujourd’hui, qui t’inspire.
Triboulois : Mes influences comme je le disais plus haut : Bashung, Dominique A, Daniel Darc, Daho et Christophe. L’ami Matthieu Malon avec ses albums en français, mais aussi avec son projet Laudanum. Mais aussi Massive Attack, New Order, Radiohead… Depuis 2/3 ans mes gros coups de cœur : Kae Tempest, Little Simz, Julia-Sophie, Blumi, le groupe Horse Girl et Geysir.
Benzine : Quelle est ta forme d’art préféré (à part la musique, évidemment) ?
Triboulois : J’aime beaucoup la peinture et principalement la peinture abstraite. D’où cette commande que j’ai faite à Franck Barberon pour qu’il fasse un tableau d’inspiration abstraite pour la pochette de mon nouvel album. Également le cinéma et les séries. Je suis un très grand fan des séries Engrenages et Le bureau des légendes. Mes films cultes : Robin des bois (Celui avec Errol Flynn), Retour vers le futur I, Nocturne indien, Seul sur Mars, Fenêtre sur Cour d’Hitchcock, les westerns de John Ford, Les tontons flingueurs…
Benzine : Beaucoup de tes albums ont été auto-produits. Celui-ci sort sur le label Cœur sur toi. Est-ce que cela fait une différence de s’auto-produire ou de travailler avec un label ?
Triboulois : En fait l’album était terminé quand je l’ai fait écouter à Laurent Santi qui s’occupe du label. Il a tout de suite aimé et il m’a proposé de signer sur son label Cœur sur toi records. Être signé sur un label permet d’avoir une structure qui gère une partie de la sortie d’un album, d’avoir un avis extérieur objectif sur ses créations, et de faire découvrir sa musique aux personnes qui suivent les sorties du label. Et là cela permet aussi de sortir l’album sur un support, en l’occurrence une K7. Personnellement, j’en suis très content!
Benzine : As-tu prévu quelque chose de particulier pour faire la promotion de cet album ?
Triboulois : Il y a eu un concert privé le dimanche 30 mars. D’autres concerts à venir. Sinon comme d’habitude, j’ai envoyé l’album à plusieurs radios et magazines pour qu’ils s’en fassent l’écho.
Benzine : Quels sont tes projets ? De nouvelles collaborations, avec les mêmes poètes, avec d’autres ?
Triboulois : Dans les tuyaux il y a un nouvel album instrumental à venir pour l’automne chez le label Lotophagus records. Et un quatrième album en préparation pour Yan Kouton. J’ai écrit également 2 nouvelles chansons, elles ont vocation comme peut-être d’autres futures chansons à ce que Fred Poulain y participe pour qu’il apporte son son et de fait que cela étoffe les arrangements.
Propos recueillis par Alain Marciano