Après La Sagesse de l’idiot, Marto Pariente est de retour avec un roman noir explosif : un vieux tueur à gages devenu fossoyeur reprend du service quand son neveu est enlevé par des gangsters aussi bêtes que méchants. Noir, drôle et très violent, Balanegra est un pur plaisir de lecture !

Découvert avec La Sagesse de l’idiot, excellent polar que nous avions situé quelque part entre Jim Thompson et les frères Coen, l’Espagnol Marto Pariente transforme l’essai avec Balanegra, un nouveau roman aussi réjouissant que le précédent.
A la mort de son frère, Coveiro s’est installé dans le petit village de Balanegra : devenu fossoyeur, cet ancien tueur à gages s’occupe désormais de Marco, son neveu autiste. Mais cette retraite aussi calme que discrète va être perturbée à la suite d’un étrange enterrement. Rubí de Miguel, femme d’affaires sans pitié, a en effet choisi le cimetière de Balanegra pour enterrer son fils, un prédateur sexuel qui vient de mourir dans d’étranges circonstances… Mais quelques heures seulement après l’inhumation, Marco est enlevé. Le vieux Coveiro n’a alors pas le choix : il doit reprendre les armes et retrouver ses vieux réflexes…
Autant le préciser tout de suite : l’intrigue de Balanegra n’est pas très originale. Cette histoire de vieux tueur à gages contraint de sortir de sa retraite, on l’a déjà lue et vue des dizaines de fois. L’originalité du roman de Pariente se situe ailleurs, et en particulier dans le portrait qu’il brosse des ordures qui peuplent ses histoires. Et des salauds, il y en a dans Balanegra. Si Coveiro est un personnage presque « eastwoodien », ses adversaires sont souvent aussi cruels que stupides. Il y a d’abord la famille de Miguel : l’infâme Rubí qui dirige d’une main de fer Carbac, « le plus gros acteur de l’industrie de la viande » en Espagne, et qui ne se déplace jamais sans son petit cochon sur lequel est tatoué « I ♥ bacon » ; vient ensuite son fils ainé, León de Miguel, politicien raté et ignoble pédophile ; et enfin son cadet, Double Mickey, le plus fou et imprévisible du trio. Autour de cette famille de dégénérés, gravitent les Tapia, deux tueurs inséparables depuis leur rencontre en prison, et Bobby et Bobby, mari et femme qui portent le même prénom et qui se disputent sans cesse, entre deux meurtres d’une incroyable cruauté.
Le roman, astucieux et habilement construit, prépare avec malice la confrontation de ces personnages improbables, hauts en couleurs, et tous sans aucune pitié. Bref, comme le dit avec à propos la quatrième de couverture, Balanegra s’apparente à « un western noir, drôle et sanglant ». On l’aura compris, une fois le décor planté, les personnages présentés, le récit déroule ses chapitres – souvent très brefs – et multiplie les scènes ultra violentes, le plus souvent en y ajoutant une forte dose d’humour noir et d’absurdité. Cette apparente simplicité de l’intrigue – Pariente ne prétend jamais offrir autre chose que ce plaisir régressif – ne doit par pour autant occulter l’intelligence avec laquelle le romancier a construit son roman. Les éléments clés du récit s’imbriquent facilement grâce à une narration inventive et astucieuse. Quant aux caricatures et archétypes choisis par l’auteur, ils lui permettent de multiplier de réjouissantes remarques mordantes et ironiques.
On ne s’ennuie donc jamais en lisant Balanegra, et on attend d’ores et déjà avec impatience le prochain roman de Marto Pariente.
Grégory Seyer