Arcade Fire – Pink Elephant : L’album d’après

Trois ans après les troubles liés à son leader Will Butler, Arcade Fire tente un comeback rédempteur avec Pink Elephant. Une mission forcément compliquée pour un album qui ne va pas convaincre d’une rédemption salvatrice…

Arcade Fire 2025
Arcade Fire © Danny Clinch

Plus de quinze  ans durant, Arcade Fire a mené la grande vie. Choyée par la critique (à l’origine de ce qu’on appelle encore aujourd’hui « l’effet Pitchfork« ) dès son arrivée en 2004 avec Funeral, la troupe canadienne s’est imposée d’emblée comme l’un des noms majeurs de la scène indie. Un statut consolidé pendant une décennie au gré des sorties suivantes avec en point d’orgue The Suburbs, sublime troisième album auréolé d’un inattendu Grammy du disque de l’année, mêlant ainsi succès d’estime et commercial. Sans le savoir, ils venaient alors d’atteindre le sommet d’une carrière aujourd’hui un peu plus contestée.

Arcade Fire - Pink ElephantSi Reflektor a su passer entre les gouttes et maintenir le cap, l’arrivée des années 2020’s et ses nouveaux dogmes vont rabattre les cartes. Artistiquement d’abord, et ce n’est pas si grave, Everything Now puis We ne vont pas connaître le même consensus que leurs prédécesseurs. Trop facile, trop pop, les avis divergent selon les goûts de chacun.
Mais surtout, la sortie de We sera accompagné d’un versant bien plus sérieux avec tout d’abord le départ entériné de Will Butler, puis l’arrivée d’accusations de harcèlement sexuel concernant son frère et leader Win. Dans un milieu et un mouvement culturel où les comportements sont désormais souvent aussi importants que la matière musicale, ça fait clairement tache.

Trois ans de turbulences plus tard, Arcade Fire revient aux affaires sur la pointe des pieds. Pas d’annonce en grandes pompes, les relais médias font le job au minimum, tout le monde marche clairement sur des œufs. Un premier single, Year of the Snake, il y a un mois, suivi d’un second, l’éponyme Pink Elephant. Une campagne condensée sur quelques semaines, donc, pour tenter de relancer la machine. Les deux titres sont de bonne facture, rien de révolutionnaire si ce n’est que l’on retrouve le côté plus mélodique et émotionnel des débuts.

Problème : ce sont, et de loin, les deux titres les plus inspirés de l’opus. Pour le reste, se succèdent des morceaux peu emballants, des interludes sans réel intérêt, et pire, des échecs assez peu compréhensibles. Pour la dernière catégorie, on pense aux élans électro-synthpop d’assez mauvais goût du duo Circle of Trust (on sauvera son côté un peu catchy, allez !) et I Love Her Shadow, ou le brouillon Alien Nation. Le final Stuck in my Head ne vient pas plus élever le niveau avec un esprit « bad U2 »  – qui peut s’expliquer par la présence de Daniel Lanois à la production exécutive.

Le plus triste dans tout ça, c’est que le groupe lui-même ne semble pas croire en ses idées. Là où dans le passé pouvaient se trouver des zones de discussion sur une direction artistique prise, il fallait reconnaître qu’Arcade Fire mettait le feu sacré à sa tâche, quoiqu’il en soit. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui, le duo Butler/Chassagne traverse les morceaux tel des fantômes, n’incarne rien. Preuve avec Ride or Die, ballade qu’ils auraient su bonifier auparavant, par une interprétation mélodique et par des touches sur la composition. Là, le morceau reste sans le moindre relief, avec son squelette de base, et rien ne se passe…

Le postulat de départ pour appréhender cet album était délicat, mais peut-être qu’Arcade Fire vient de réaliser un véritable acte manqué. Il facilite la tâche de tout le monde avec un disque oubliable, pénible et difficilement défendable, évitant ainsi de possibles longs débats sur « peut-on apprécier une nouvelle sortie d’une entité devenue touchy ? ». Là, tout le monde aura la même réponse, et elle est négative. Une longue et difficile descente qui ne doit pas faire oublier pour autant les heures de gloire d’un groupe marqueur d’une époque.

Alexandre De Freitas

Arcade Fire – Pink Elephant
Label: Columbia
Date de sortie: 9 mai 2025

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