Ceci n’est pas un disque de Magma… En 1971, Christian Vander enregistre The Unnamables au Château d’Hérouville sous l’alias Univeria Zekt. A l’occasion de sa remastérisation par le producteur de l’époque, Laurent Thibault, retour sur cet opus sorti incognito…
Dans la discographie de Magma se balade un passager clandestin, un album de traverse, l’opus The Unnamables sorti en 1972, sous le nom d’Univeria Zekt. L’origine de ce projet réside en partie dans une maquette du groupe destinée à la bande originale d’un film obscur : 24 heures seulement, une histoire d’amour vécue sur le circuit du Mans. De l’aveu même des rares “chanceux”, qui assistèrent à la première, ce métrage, présenté comme un Woodstock automobile, tenait plus du navet affligeant que du chef d’œuvre. Très dispensable donc. N’empêche que certaines de ces compositions refirent surface quelques mois plus tard…
Lors de l’été 1971, Magma s’installe au château d’Hérouville, le fameux studio résidence fondé par Michel Magne, avant que ce dernier abandonne l’affaire. Christian Vander se rappelle alors d’une bonne ambiance à jouer avec ses camarades, ce collectif en perpétuelle ébullition. Dans le parc, le groupe enregistre ainsi une version live de Mekanik Kommando (orthographe d’époque…), avec une introduction « Bossa Nova », captée par l’ingénieur du son, Dominique Blanc-Francard. Désormais, le premier enregistrement de ce titre emblématique est disponible sur un mini 33 tours, un vinyle monoface de 17 cm, qui accompagne la réédition officielle de ce collector.
A l’occasion, Christian Vander et ses amis reprennent et arrangent aussi des morceaux de la bande originale, ainsi que d’autres titres, enregistrés en quatre jours sur le seize pistes du studio. La formation est globalement la même que sur le deuxième album de Magma. Pour le chant, Klaus Blasquiz. Lucien Zabuski et Lionel Ledissez s’aventurent sur des compositions principalement de Teddy Lasry, qui assure au saxophone, tout comme Jeff Seffer, et aux flûtes. Claude Engel joue les guitares, quand Francis Moze tient l’orgue et la basse. A la trompette, Tito Puentes remplace Louis Toesca.
Bassiste originel du groupe, mais désormais producteur, Laurent Thibault a l’intention de forger un album initiatique au son Magma… sans le nommer sur la pochette, « en partant d’une musique disons terrienne, dans l’esprit de groupe tels Chicago ou Blood Sweat and Tears, qui dominaient à l’époque, en passant par le jazz ». Résulte alors un disque, construit avec des thèmes instrumentaux ou chantés, de durée inégale, pour un nouveau voyage dans l’univers magmaïen, une sorte d’album satellite dans l’abondante discographie du groupe.
The Unnamables se révèle un kaléidoscope musical avec des cuivres déchainés et quelques guitares, une empreinte jazz rock, des balades et des délires. Faut-il insister pour évoquer la batterie et les percussions ? Si la face A se fait d’abord accessible, les trois derniers thèmes, composés par Christian Vander, surprendront moins les fans de Magma, d’autant plus que la face B offre un morceau de bravoure, Africa Antéria, incantation rythmée de onze minutes. En coda de l’album, Undia est le morceau le plus « Zeuhl » du disque, le seul chanté en kobaïen d’ailleurs, un titre composé alors que Christian Vander avait une vision de soleil se couchant sur le Gange.
The Unnamables connut une destinée confidentielle dans l’orbite du monumental Mekanïk Destruktïw Kommandöh, se vendant à environ 1500 exemplaires, ce qui en fait une rareté absolue. Désormais, le label Thélème en présente une version remastérisée par Laurent Thibault, accompagnée de son feuillet et d’un mini 33 tours, ainsi que d’une clé USB métallique offrant divers documents (biographie et photos des membres, vidéos, masters en bonus, etc…).
Une belle occasion de parcourir les origines de l’univers Magma, et de découvrir quelques secrets de fabrique, tels que ces curieux sifflements qui traversent le dernier titre.
Amaury de Lauzanne