Et si vous pouviez ouvrir une porte vers n’importe quel lieu, passé et présent, où iriez-vous ? Quête initiatique, lutte contre les forces du mal, voyages dans le temps… ce premier roman réunit tous les ingrédients pour retrouver son âme d’enfant, lorsqu’on découvrait le plaisir de lire ainsi que les pouvoirs merveilleux d’histoires qui se déroulaient dans notre tête au fil des pages lues.
Le Livre des portes s’ouvre sur la mort d’un vieux monsieur dans une librairie. Il était en train de lire Le Comte de Monte-Cristo, un habitué avec lequel l’employée Cassie avait l’habitude d’échanger. En faisant du rangement le lendemain, « elle aperçut un autre livre, plus petit, avec une couverture en cuir marron décolorée et fendillée comme la peinture patinée d’une porte », elle ne l’avait pas remarqué jusque-là.
Lorsqu’elle l’ouvre, il y est inscrit : « Ceci est le Livre des Portes. Tenez-le dans la main, et n’importe quelle porte sera toutes les portes ». Elle va vite découvrir que c’est un livre magique qui permet en effet de voyager où bon lui sied. Un livre dangereux aussi par les pouvoirs qu’il confère, très recherché par des personnes prêtes à tout pour mettre la main dessus et s’en servir comme arme ultime.
Raconter comme cela, on peut avoir l’impression qu’il s’agit d’un roman jeunesse. Il en a en effet tous les codes, assumés jusqu’au bout : une jeune héroïne attachante dont on va suivre les aventures initiatiques qui vont l’amener à devenir une adulte équilibrée et heureuse ; un mentor qui la guide dans le monde magique des livres spéciaux, en la personne du Bibliothécaire, Drummond Fox, qui veille sur un trésor de dix-sept livres magiques ; des lignes claires tracées entre le Bien et le Mal avec des personnages unidimensionnels, comme la Femme, mémorable méchante au sadisme extrême, qui traque le Livre des portes depuis des décennies ; de la fantasy comme catalyseur de l’action, reposant entièrement sur les pouvoirs des Livres magiques (le Livre des Ténèbres, le Livre de la Chance ou celui des Souvenirs parmi bien d’autres).
A partir de ces éléments, Gareth Brown a composé un roman impossible à lâcher, une de ces histoires irrésistibles qui donnent envie de vite s’évader du travail et des injonctions domestiques pour la retrouver et s’immerger dans son univers ; une de ces histoires qui font retrouver son âme d’enfant, un peu comme quand on lit Le Monde de Narnia, comme quand on regarde L’Histoire sans fin ou le court métrage d’Armand Méliès, Le Livre magique. Pour autant, Le Livre des portes n’est pas un livre pour enfants. Il est même assez sombre avec notamment des descriptions des crimes de la Femme à la violence très graphique, imprimant immédiatement dans la tête des images assez épouvantables.
L’intrigue, plus sophistiquée qu’il n’y paraît de prime abord, est bourrée de rebondissements et surprises avec une exploitation extrêmement maline des voyages dans le temps et de tout ce que permet leur logique circulaire. Il y a bien quelques facilités pour relier les différentes parties de l’intrigue mais le concept des livres magiques permet de déjouer tous les pièges d’incohérence qu’on pourrait lui reprocher : entre ceux qui affectent la réalité extérieure du monde physique, ceux qui ont un impact sur l’état intérieur des humains, ceux qui confèrent à leurs utilisateurs des pouvoirs surnaturels ou encore qui ont un pouvoir sur les lois de l’univers, les ressorts scénaristiques sont quasi infinis et permettent à l’intrigue à chaque fois de retomber d’aplomb.
Au final, le plaisir est total. On s’amuse, on est dépaysé, on tremble, on tourne les pages à toute vitesse pour découvrir le dénouement (très réussi) et on s’émeut de voir traiter avec beaucoup de sensibilité des thèmes comme la perte, la culpabilité, les regrets tout en célébrant de belles valeurs comme l’entraide et la loyauté, avec au coeur de l’intrigue l’expérience humaine que vivent les différents personnages.
Marie-Laure Kirzy