[Live Review] Soccer Mommy et Bored At My Grandmas House au Trabendo (Paris) : bedroom music…

Soirée Bedroom Pop en ce vendredi soir avec Amber Strawbridge et Sophie Allison. L’occasion de confirmer que cette dernière est à la tête d’un joli combo rock qui magnifie des compositions pouvant lui permettre de rencontrer un succès important.

Soccer Mommy Trabendo RG 01
Soccer Mommy au Trabendo – Photo : Robert Gil

Après un début de mois de mai peu riche en concerts marquants, c’est parti pour un petit marathon de 4 concerts en 5 jours qui démarre ce vendredi 16 au Trabendo : au programme, Amber  Strawbridge, alias Bored At My Grandmas House, et Sophie Allison, alias Soccer Mommy, qu’on peut présenter comme l’un des plus éminentes représentantes de ce courant.

Le Trabendo va se remplir doucement dans un premier temps, une bonne partie du public jeune, et venu pour Sophie Allison, préférant siroter des bières sur la terrasse en attendant leur héroïne.

Bored At My Grandmas House Trabendo RGNous sommes donc peu nombreux à 20h pour le début du set de Bored at my Grandmas House. Amber Strawbidge vient de Leeds, et va nous présenter des extraits de Show and Tell, un album sorti en 2024 qui s’écoute sympathiquement, entre voix douce, jolis arrangements et petites influences Shoegaze. Amber ne peut pas plus se revendiquer du courant que dans sa présentation sur les réseaux sociaux : (I am Amber and I make songs in my room 4 ur consumption). Si toutes ne nous ont pas marquées sur cet album, nous allons avoir droit ce soir aux meilleures de cet opus, dont Inhibitions, Friendship Bracelets et surtout Show and Tell. Déception au démarrage, Amber arrivant sur scène avec sa guitare et un deuxième guitariste, mais sans groupe en tant que tel. Les arrangements de l’album sont globalement conservés, mais avec le reste des instruments enregistrés, dont la batterie. Elle précise jouer à Paris pour la première fois et semble un peu intimidée. Dès le début du set, les influences new wave sont évidentes avec Inhibitions, et c’est pour tout dire plutôt bien fait. La suite du set se déroule gentiment, et nous attendons Show and Tell, qui est de loin le meilleur morceau de son répertoire et qui ne peut pas ne pas être joué. Ce sera chose faite peu avant la fin. Les paroles sont bien nombrilistes (« I wish I was better at show and tell and I wish I liked tea, I wish I wasn’t bored so easily and I wish I let you in »), mais la mélodie est parfaite, et le succès garanti pour peu qu’une série Netflix s’en empare. Globalement ça manque quand même de quelque chose tout ça, nous attendons de pied ferme Sophie Allison pour montrer qui est la patronne.

Soccer Mommy peut se prévaloir des mêmes influences, mais Sophie Allison a un répertoire nettement plus consistent que sa benjamine. Elle a sorti cinq albums et s’est fait remarquer dès Clean en 2018. Elle a ensuite sorti régulièrement un nouvel disque tous les deux ans, jusqu’à cet Evergreen l’année dernière, truffé d’excellentes chansons que nous sommes avides de découvrir en live.

Soccer Mommy Trabendo RG 02Sophie Allison arrive sur scène à 21 heures, avec, comme espéré, un groupe au grand complet, au sein duquel nous notons la présence de l’excellent Rogrido Avendano avec une double compétence claviers/guitares. Tout au long de la soirée, les guitares vont être de sortie, Sophie Allison nous montrant elle-même ses talents en la matière.

Le démarrage avec Abigail est parfait, et nous replonge dans une ambiance The Cure de l’époque Head on the Door. Circle the Drain donne ensuite le ton : nous allons assister à un concert de rock. Sophie Allison a progressivement incorporé dans ses chansons autrefois indie folk des arrangements plus luxuriants avec des guitares très présentes. Pendant ce morceau, c’est à Liz Phair que nous pensons. Ce traitement rock va se prolonger avec Driver, le titre le plus énergique d’Evergreen. Il y a 30 ans, Soccer Mommy aurait tenu un tube imparable avec ce titre, le mélange entre la voix angélique et le riff ayant tout pour être apprécié de tous les publics. Au jeu des influences, nous sommes du coté de Juliana Hatfield. L’interprétation de Bones, le premier titre de Sometimes, Forever joué ce soir, semble appréciée par le public qui a donc interrompu sa pause fraicheur sur la terrasse. C’est devant un Trabendo bien garni par un public plutôt jeune (la trentaine) et souvent venu en couple que le set va pouvoir se poursuivre.

Les arrangements n’étant pas révolutionnaires par rapport aux albums, nous allons sans surprise particulièrement apprécier nos titres préférés sur disque, Shotgun, M (magnifique performance vocale), et surtout Thinking of you et ses paroles mélancoliques (« I comb my hair, I hang my clothes, i watch his sleepy curls unfold, i drive my car down the same roads, and i ‘m thinking of you »). Sophie Allison congédie temporairement son groupe pour livrer le sensible Still Clean en solo avant que tout le monde ne reprenne sa place pour Crawling in my Skin, morceau de Color Therapy qui démarre un peu comme du Breeders, les intonations de Sophie rappelant beaucoup le travail de Kim Deal. De façon générale, le choix des morceaux antérieurs à Evergreen est évident, et celui-ci est l’un des meilleurs moments du concert.

Soccer Mommy Trabendo RG 03Après un énergique Salt in Wound, Your Dog termine ce set de la meilleure façon, acclamé par le public : « I don’t wanna be your fucking dog, that you drag around, a collar on my neck tied to a pole… I don’t want to be your baby girl that you show off to the world ». Ce titre sur l’estime de soi et la relation équilibrée dans un couple est l’un des premiers faits d’armes de Soccer Mommy sur Clean, et il est facile de l’imaginer rester dans les setlists pour quelques années.

Soccer Mommy va de façon curieuse bâcler la fin de concert : rappel le plus court du monde (le groupe a du être sorti de scène moins d’une minute, à quoi ca sert ?), un dernier morceau et hop ! Thank you, guys, c’est fini. Nous avons rêvé ou Evergreen n’a pas été joué ? Une fin en eau de boudin pour un concert d’une heure 20 qui a confirmé le talent de Sophie Allison. Soccer Mommy a tout pour rencontrer un succès grandissant dans les prochaines années : un charisme évident, des compositions qui marquent, et des paroles dans l’air du temps, tout est là pour plaire à la fois aux fans d’indie rock et d’Avril Lavigne pour ne citer qu’elle. A court terme, ce genre de performance est parfaite pour les festivals de l’été qui vont permettre à la formation d’élargir son public.

J’ai donc passé une bonne soirée, musicalement parlant. Un énervement néanmoins puisque j’ai eu ce sentiment durant toute la performance : deux heures avant le début du concert, j’ai découvert pétrifié le tweet hallucinant de Trump sur Bruce Springsteen et ses menaces à peine voilées. Jamais depuis le Maccarthysme les Etats Unis ne se sont autant dirigés vers une dictature qui nie toute liberté d’expression. La menace pesant sur toute la scène culturelle est patente. Personne ne peut obliger les artistes à prendre position, et il est évident que toute prise de parole a des conséquences dans un pays aussi polarisé. Nous n’en voudrons donc pas à Sophie Allison, artiste américaine née en Suisse mais qui a bourlingué entre New York et Nashville, de s’en tenir à des banalités sur scène (« How are you guys? », « This is our last song guys… »). Tout le monde n’a pas l’esprit d’un militant. Il n’en demeure pas moins que dans ce contexte, j’ai eu du mal à me consacrer ce soir sur les tourments personnels de Sophie Alison qui sont le cœur des paroles de Soccer Mommy. La musique est certes là principalement pour nous faire oublier l’espace d’un concert les abominations extérieures, mais compte tenu de la dangerosité du moment, ce silence m’a paru pesant.

Texte : Laurent Fegly
Photos : Robert Gil

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