Hooveriii – Manhunter : énergie dévorante

On a l’impression que Hooveriii ne sait sortir que de bons albums, un peu différents et un peu pareils. On retrouve une capacité remarquable à digérer des influences variées pour composer des morceaux tendus, énergiques, nerveux. Oui, Hooveriii joue avec nos nerfs, et on aime ça !

HOOVERIII-2025
© Sheva Kafai

Nous avions déjà dit qu’Hooveriii (c’est-à-dire, pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi, Hoover three) avait proposé un de leurs meilleurs, si ce n’est le meilleur avec A round of applause, leur avant-dernier album. Nous avions laissé passé, probablement injustement : Pointe se révèle, avec le temps et quelques écoutes supplémentaires, plutôt bon ; très agréable à écouter, des arrangements assez subtils, des mélodies agréables, une musique légère et caressante, sans excès, sans trop d’électricité non plus. On avait aussi laissé passer, tout aussi injustement, Quest for Blood, un album totalement différent, presque punk, à l’énergie dévorante, quasi-négative, portée par des boites-à-rythme d’un autre temps ! Avant de passer à autre chose, jetez-y donc une oreille (attentive) et profitez de l’ambiance. Parce que Manhunter propose quelque chose d’assez différent. Pas totalement. En réalité, Manhunter semble être une sorte de synthèse boosté de A round of applause, de Pointe, et de Quest for Blood. On trouve des morceaux qui rappellent le dernier album, avec un côté un peu rêveur, introspectif, presque intime ou intimiste — et ce ne sont certainement pas les moins bons de l’album. Et on trouve aussi des morceaux survitaminés, plus rapides, très rapides, énergiques, électriques, syncopés, plus glam et plus rock que ce qu’on avait entendu sur A round of applause.

Hooveriii - ManhunterCommençons par les premiers, les moins nombreux. Il y a ces deux courts morceaux, In the rain et Cul-de-Sac, deux intermèdes d’une minute chacun, petites parenthèses voix et piano (pour le premier) et drone bruitiste (pour le second) qui permette de se reposer un moment. C’est agréable, cela ne détourne pas vraiment l’attention du reste de l’album ; cela permet de se demander ce qui se passe avant que cela ne reparte. On peut y ajouter Night Walks in Montreaux, gazouillis d’oiseaux et nappes synthétiques pour accompagner un voyage nocturne : méditatif, cool, tranquille, super-agréable, un peu plus de 2 minutes ; on est au-delà de l’intermède.

On ajoute une minute et quelques instruments aux synthés (la basse, la guitare) ça donne Manhunter, et on commence à s’envoler sur l’espèce de p**g astral qui décore la pochette de l’album, ou on s’enfonce dans les profondeurs abyssales de l’océan. Un morceau cosmique ou aquatique, selon ce qu’on préfère. À peine plus long, pas plus rythmé, Awful Planet, l’avant-dernier morceau de l’album. À la différence des 3 instrumentaux précédents, Awful Planet est chanté. Mais cela reste du même type, meditatif, cosmico-aquatique, une version 21ᵉ siècle de certains morceaux du Pink Floyd, genre Dark Side of the Moon.

Stage pourrait servir de pont entre ces morceaux et la seconde partie de l’album. C’est le dernier morceau de l’album, un morceau tranquille, comme si le groupe avait décidé de se reposer à la fin, jouant tranquillement, sans trop pousser le volume ni le rythme, tout en retenue, une mélodie cool chantée par Anna Wallace et Bert Hoover.

Plus longs, plus rythmés, sans pour autant être encore débridés et frénétiques, on a Tarantula Eye et Me King — probablement mon morceau préféré de l’album. Fini l’ambiance new age, finie la retenue et le côté cool et détaché. Les morceaux sont bien plus rythmés, la batterie et la basse pulsent pour donner le tempo, les guitares électriques et les synthés grincent. Tarantula Eye ajoute même un saxophone free jazz qui renforce l’atmosphère inquiétante. Le morceau hésite entre une retenue paranoïaque, angoissante, et des déchaînements électriques qui font presque flipper. Me King est moins inquiétant, plus mélodique, plus équilibré, la basse donne le tempo et les refrains donnent de l’ampleur au morceau. Le solo de guitare illumine tout ça comme un feu d’artifice. Un morceau qui pulse mais qu’on a presque envie d’écouter seul, au casque, la nuit au milieu de nulle part.

Et puis il y a le reste ; sauf erreur, les huit morceaux qui restent et donc une grosse moitié de l’album. Le groupe lâche les chevaux et les watts. On a tout ce qu’on trouve sur Me King et Tarantula Eye, mais avec beaucoup plus de vitesse et d’énergie. Les morceaux sont portés par une rythmique qui dépote, par des solos qui déchirent. Le groupe propose des morceaux souvent très syncopés, à la rythmique très hachée, mais qui accélèrent systématique à un moment ou à un autre. Les voix sont souvent tendues, et les mélodies sont inquiètes.

On pense à Melody (qui commence comme un morceau de Deep Purple) ou à Westside Pavilion of Dreams, qui ont évidemment attiré l’attention, morceaux un peu clinquants dans lesquels le groupe montre sa capacité à mêler énergie, force électrique avec des sonorités (ou même des mélodies) de la fin des sixties ou des seventies. Il y a des morceaux presque plus intéressants, comme Question ou Thin Lips. Question serait presque le morceau le plus excessif de l’album, tout va vite, trop vite ; les guitares se déversent comme la lave d’un volcan incontrôlable. Thin Lips offre le même type d’excès, mais à la différence que le groupe semble encore essayer de se contrôler. Cela donne un morceau tendu, nerveux, très nerveux, dans lequel le groupe se trouve embarqué en essayant de le terminer sans y arriver, la musique, le son sort de tous les côtés… au moins aussi bon que Me King, peut-être meilleur à la réflexion ! Finalement, c’est un peu ça, c’est album, les chansons se révèlent, disparaissent, reviennent, repartent. Un album qu’on fatigue à écouter, mais auquel on revient sans cesse. Comme les autres albums du groupe.

Alain Marciano

Hooveriii – Manhunter
Label : The Reverberation Appreciation Society
Date de parution : 16 Mai 2025

 

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