« Le règne de la nuit » de Kate Atkinson : les nuits londoniennes des Années folles 

Kate Atkinson nous entraîne avec brio dans le Londres extravagant des années 20. Le règne de la nuit est une comédie dramatique menée tambour battant, mêlant intrigue policière et description d’une époque.

Atkinson Kate 2022
© Helen Clyne

Le lecteur retrouve dans Le règne de la nuit la plume jubilatoire et le sens du rocambolesque de Kate Atkinson, notamment autrice du délicieux Dans les coulisses du musée. La scène d’ouverture est quasi cinématographique. La description des personnages et de leurs tenues est tellement parfaite que le lecteur se tient parmi la foule devant la prison de Holloway pour assister à la sortie de Nellie Coker, libérée après six mois passés au placard.

Atkinson-Le-Regne-de-la-nuitNellie « Ma » Coker est la matriarche d’un clan composé de quatre filles et deux garçons plus ou moins aguerris au monde des « affaires ». Femme de tête pleine de ressources et dénuée de scrupules, sa richesse tient tant au hasard qu’à l’audace. Propriétaire de cinq clubs dans le quartier de Soho, elle compte bien reprendre sa place de reine des nuits londoniennes et empêcher ses ennemis de faire main basse sur son royaume.

C’est d’ailleurs autour de ces clubs que se noue l’intrigue. Le monde de la nuit des Années folles est le reflet du besoin d’insouciance de la population après la « Grande Guerre ». Kate Atkinson s’est largement documentée pour plonger le lecteur dans l’exotisme et les excès qui caractérisent cette époque. Dans les années 20, la mode est à l’Egypte, les archéologues vont de découvertes en découvertes. Les écrivains s’emparent de cette frénésie égyptienne, la malédiction de Toutânkhamon frappe à tout va. Les noctambules s’encanaillent au Sphynx, l’un des clubs Coker, au milieu de fac-similés de hiéroglyphes peints sur les murs, accoudés à un bar décoré à l’or fin. À moins qu’ils ne préfèrent descendre un escalier sombre pour faire la fête à l’Amethyst, joyau de l’empire de Nellie, où gangs et aristos se côtoient sur la piste de danse.

Mais point d’intrigue policière sans flic ni crime ! Des crimes, Londres en propose à la pelle dans ses ruelles sombres et au fond des clubs de Soho. Flics ripoux et voyous se confondent, à l’exception de l’inspecteur principal Frobisher, policier intègre au mariage malheureux. Il fait de sa quête de vérité pour démasquer les coupables une croisade. Pour cela, il va utiliser un cheval de Troie : Gwendolen Kelling, sage bibliothécaire fraîchement débarquée de York et peut-être pas si sage qu’il n’y paraît. Ancienne infirmière qui a vu les pires horreurs durant la guerre, elle a perdu père et frères adorés. Libérée du despotisme maternel à la mort de cette dernière, elle découvre qu’elle détient une petite fortune qui lui permet d’envisager sereinement l’avenir.

Une amie de Gwendolen lui a demandé de l’aide pour retrouver sa jeune demi-sœur Freda, qui s’est enfuie à Londres dans l’espoir de devenir célèbre. Ni une, ni deux, Gwendolen prend ses cliques et ses claques et file à la capitale pour retrouver la fugueuse. Elle rencontre Frobisher, croise un des fils Coker, sauve la vie à un voyou, tape dans l’œil de Nellie Coker et tout s’emballe.

Enumérer ici tous les personnages et évoquer des scènes clés serait gâcher le plaisir de la lecture de ce roman tout en finesse et humour. En plus des intrigues qui s’entremêlent, Kate Atkinson dévoile son amour pour la littérature britannique en évoquant par clins d’œil Dickens et Shakespeare.

Un roman un peu fou comme ces années 20 et extravagant comme une Lady anglaise.

Caroline Martin

Le règne de la nuit
Roman de Kate Atkinson
Editeur : Christian Bourgois
522 pages, 25 euros
Date de parution : 8 mai 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.