Trois ans après l’explosion de Glow On, Turnstile revient avec un album aussi ambitieux que personnel. Never Enough propose un élargissement du spectre sonore du groupe, toujours prompt pour s’ouvrir aux autres sans renier ses racines punk.

Never Enough. Jamais Assez. Tout est là, dans le titre de ce nouveau disque. Les bouillonnants membres de Turnstile n’en finissent plus de leur quête musicale permanente et repoussent sans cesse les murs. Là où d’autres auraient sans doute chercher le confort du succès obtenu avec Glow On en 2021, eux repartent au combat plus motivés que jamais. Une embardée artistique vers des terres encore plus imprévisibles tout en conservant le sel hardcore pop-punk qui ont fait leur renommé.
Dès la première écoute et l’enchaînement des premiers morceaux, on est d’abord frappé par le sentiment de liberté dans les compositions. La palette se veut large, voire très large. Les guitares sont là, évidemment, au moins autant survitaminées que ne l’est la voix de Brandan Yates. Mais à côté, on retrouve également des nappes de synthé planantes ou complètement new-wave (I CARE), des cuivres (Dreaming), des basses quasi funky et d’autres idées originales pour offrir le plus de sensations auditives possibles.
Preuve la plus éclatante de ce melting-pot de saveurs ? Le survolté SUNSHOWER breake d’un coup et se termine sur un solo de flûte du musicien jazz-ambient Shabaka Hutchings avant de passer le relai au nerveux et central LOOK OUT FOR ME qui offre une autre bascule, d’abord totalement punk avant de partir entre dream-pop et shoegaze un peu électro. Tout le disque et ses intentions sont quasiment résumés sur ces dix minutes là, en plein cœur de la tracklist.
Cette orientation est rendue possible par l’apport extérieur d’une pelletée de noms au talent reconnu et d’univers pourtant différents: à la production Will Yip et A.G Cook (le second cerveau derrière BRAT de Charlie XCX) viennent apporter leur pierre à l’édifice quand Blood Orange, Faye Webster ou encore Hayley Williams (Paramore) donnent de la voix en arrière plan. C’est sur cette richesse que s’appuie le band pour donner d’autres couleurs, d’autres tonalités plus « douces » à leur rage naturelle, sans jamais se dénaturer.
On peut passer du très « popinet » SEEIN’ STARS à un BIRDS bien plus hardcore. D’une nervosité tendue sur SLOWDIVE à la plus discutable musique de stade THIS IS HAPPENING avant de terminer de manière très belle et plus apaisée avec MAGIC MAN. Des titres distincts, même opposés et qui pourtant transpirent l’ADN du groupe par tous les pores. Ça ne sonne jamais faux ou pensé pour les stats.
Au contraire, Turnstile n’hésite pas à flirter avec le vide et pourrait se planter à force de vouloir être partout à la fois. Mais c’est fait avec une telle ambition et envie de tout bousculer que ça ne le rend qu’attachant, même dans ses défauts (et il y en a). C’est un album qui n’a peut-être jamais “assez”, mais qui donne beaucoup. Et c’est déjà énorme.
Alexandre De Freitas