[Live Review] Kim Deal et Flora Hibberd au Trianon : toujours aussi cool…

Kim Deal sans ses Breeders mais avec de nouveaux musiciens, avec des cordes et des cuivres, a joué son album solo et quelques vieux morceaux devant un public comblé. Une soirée magique.

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Kim Deal au Trianon – Photo : Robert Gil

Nous avions laissé Kim Deal quelque peu circonspects. Le dernier concert des Breeders à Paris à la Cigale il y a un petit peu moins d’un an avait confirmé que le groupe avait des compositions efficaces, que leurs membres étaient très sympathiques, mais également que sur scène c’était tout sauf carré. En tout cas sans beaucoup d’amélioration par rapport aux concerts donnés 30 ans auparavant quand une Kelly Deal novice à la guitare passait de longues heures à s’accorder avant de lutter pour retranscrire les morceaux fidèlement. Mais il en faut plus pour ébranler le statut de Kim Deal, qui reste pour beaucoup, avec PJ Harvey et Kim Gordon, la figure tutélaire de l’indie rock. La qualité de son album solo Nobody Loves You More sorti en novembre dernier a néanmoins surpris : ce disque très personnel, éclectique, rempli à la fois de cordes somptueuses et de guitares rageuses, forme la base d’une tournée solo au cours de laquelle il est interprété intégralement. Preuve de la qualité du disque et de la fidélité de son public, Kim Deal se présente ce mercredi 11 juin devant un Trianon presque blindé (il restait quand même des places au second balcon…), et avec le soutien de Télérama qui gratifie le concert de ses fameux TTTT.

2025-06-11-Flora Hibberd RGNous constatons avec joie que la première partie est assurée par Flora Hibberd, une jeune anglaise vivant à Paris, qui a sorti récemment un superbe album d’indie folk, aux arrangements remarquables, intitulé Swirl, inspiré notamment par Jason Molina. C’est sans son groupe que Flora se présente à 20h. Seule avec sa guitare, les cheveux courts, elle démarre son set de sa voix grave avec Night Perpetual, tiré de son EP Hold sorti en 2021. Le fait de parler parfaitement français va grandement lui faciliter la tâche auprès d’un public qui commence à arriver nombreux. Après avoir écouté attentivement le dernier album, il faut bien reconnaitre qu’on aurait adoré l’entendre avec son groupe mais les chansons de Swirl sont excellentes, et elle va poursuivre avec Code, la ballade Canopy, et Ticket qui clôture à la fois l’album et le set. Elle aura également pu partager un nouveau titre écrit très récemment intitulé Shelley en hommage à Shelley Duvall. Nous n’aurons pas droit à deux titres marquants de l’album, Remote Becoming Holy et Fern, probablement pour nous donner envie d’aller la voir en tête d’affiche à la Marbrerie le 18 juin. C’est malin. En tout cas, 30 minutes bien sympathiques devant un public qui l’a bien soutenue pour ce qui semblait être une première sur une scène de cette importance.

2025-06-11-Kim Deal RG 02Il y a un peu d’effervescence sur scène pour préparer l’arrivée de Kim Deal. Après le set minimaliste de Flora Hibberd, c’est en effet un groupe au grand complet qui se prépare à investir la scène du Trianon sous les acclamations et le Dirt des Stooges. Une formation rock classique, mais complétée logiquement d’une section de cuivres, d’une violoniste (Susan Voelz), d’une violoncelliste, de Mando Lopez à la basse et d’un Rob Bochnik qu’on croirait sortir d’un groupe de rock sudiste à la guitare. L’album étant interprété dans l’ordre, le majestueux morceau titre Nobody Loves You More ouvre le bal, tout en cuivres et cordes dans une version très fidèle à celle de l’album. La voix de Kim Deal est comme toujours naïve, elle se dévoile comme jamais elle ne l’avait fait dans sa carrière, laissant paraitre des fêlures jusqu’alors cachées (« I don’t know where I am / And I don’t care »). Coast est magique, mélodie proche des compositions habituelles des Breeders, mais avec un traitement calypso entrainant, tout à fait inhabituel. Entre les titres, ça papote, ça rigole, ça s’accorde, personne ne se prend au sérieux, et Kim semble ravie d’être là. En gros l’ambiance habituelle d’un concert avec Kim Deal : on n’est pas chez les PIxies ici, on parle au public et on s’amuse.

2025-06-11-Kim Deal RG 03Tout le monde se tait pendant un Are You Mine ? qu’on sait écrite pour témoigner de l’Alzheimer de sa mère. Le test de la scène confirme l’excellente qualité des morceaux de l’album : Wish I Was en tête, avec Summerland, pur joyau qui mériterait un traitement cinématographique avec ses cordes dignes des meilleures comédies musicales. Et enfin, cette chanson qui nous avait tous impressionnés à la première écoute de l’album, ce Come Running bouleversant, ballade velvetienne par excellence, sublimée par la voix fragile de Kim Deal. A-t-elle déjà composé quelque chose d’aussi beau ? On ne comprend toujours pas en revanche à quoi sert l’interlude Bats in The Afternoon. Comme sur le disque, sa présence est pour le moins incongrue, mais heureusement elle passe vite. A Good Time Pushed est plus classiquement dans le style Breeders (avec des cœurs « à la Go Go’s« ) et va servir de transition avec la suite du concert.

L’album étant relativement court, Kim va utiliser en effet le reste de son temps avant le fameux couvre-feu en allant puiser dans un back catalogue de plus de 30 ans, et ça tombe bien, c’est aussi ce que nous attendons un peu, quelque part. On ne va pas se mentir, tout en appréciant le prise de risque et la nouveauté de Nobody Loves You More, on ne va pas voir Kim Deal sans attendre Gigantic ou Cannonball !  Le choix des titres est intelligent dans le sens où certains d’entre eux peuvent naturellement bénéficier de la présence des cordes. Initialement prévues pour accompagner uniquement les titres du dernier album, leur présence s’est progressivement avérée être une excellente idée pour la deuxième partie du concert. L’exemple le plus marquant est bien entendu Off You. Sans contexte le meilleur titre de Title Tk, l’album qui en 2002 avait mis fin à un silence discographique de près de 10 ans, il n’est jamais oublié dans les setlists des Breeders. L’interprétation de ce soir nous le fait totalement redécouvrir. Quelques petites larmes apparaissent sur les joues de certains quarantenaires et cinquantenaires présents en force au Trianon. La présence du violon de Susan Voelz est également une bonne idée sur Invisible Man.  Rob Bochnik assure un solo bruitiste sur Safari et Driving on 9 se taille un joli succès dans une version assez proche de celle de The Last Splash. Gigantic bien entendu n’est pas oubliée, juste avant le rappel.

2025-06-11-Kim Deal RG 04Do You Love Me Now est visiblement appréciée par Kim Deal, car elle figurait sur le maxi Safari avant d’être intégrée dans The Last Splash. Le fan que je suis se rappelle surtout de la version avec la participation de Jay Mascis de Dinosaur Jr figurant sur le maxi de Divine Hammer, et intitulée à bon escient Do You Love Me Now Jr. Clin d’œil à cette époque, la version de ce soir joue à fond son rôle de madeleine de Proust. Inutile de préciser que le rappel se termine sur un Cannonball foutraque. Ce n’est pas que c’est mauvais, loin de là, mais il reste toujours cette impression que c’est bâclé, un peu fainéant, sans l’ampleur que ce morceau légendaire mériterait. Il pourrait être une tuerie absolue, mais au final il est joué comme un passage obligé. Peut-être la prochaine fois avec un nouveau groupe ?

Cet excellent set n’a duré qu’une heure 25 minutes, passée en un souffle, mais il suffira pour nous donner la pêche pour quelques jours. Cette nouvelle direction prise par Kim Deal augure en tout cas de jolies promesses.

Texte : Laurent Fegly
Photos : Robert Gil

2 thoughts on “[Live Review] Kim Deal et Flora Hibberd au Trianon : toujours aussi cool…

  1. Bonjour à vous,
    J’étais aussi présent à ce concert et je constate deux erreurs dans votre résumé : 1 la salle n’était certainement pas blindée comme vous l’affirmez mais seulement bien remplie. Placé au premier balcon j’ai constaté qu’au second beaucoup de places étaient libres. 2 Kim Deal n’a pas joué 1 h 20 mais 1 h 25. Je suis affirmatif sur ces deux points.

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