Oui, Paul McCartney, après avoir été déclaré « mort », eut une vie après les Beatles, le groupe le plus populaire au monde ! C’est une histoire pleine de rebondissements que nous raconte avec brio Hervé Bourhis, bédéaste expert ès rock, pour notre plus grand bonheur.

Londres, 20 septembre 1969. Les Beatles, c’est terminé. Après dix ans d’un succès inégalé dans l’histoire du rock’n’roll, John Lennon annonce son intention de quitter le groupe. Paul McCartney aura du mal à digérer le divorce, sombrant dans l’alcoolisme et la dépression. Grâce au soutien de son épouse Linda, il parviendra à se reconstruire en créant les Wings, qui connaîtront également le succès malgré des débuts mitigés. L’histoire d’une renaissance, aussi prodigieuse que méconnue.
Paul, sucrerie pop aux couleurs psychédéliques concoctée par Hervé Bourhis, nous replonge avec bonheur dans ces late sixties où le champ des possibles était incroyablement vaste, où les utopies fleurissaient en harmonie avec l’effervescence artistique et musicale de l’époque, propulsées par un vent de liberté inédit.
Si la narration débute au moment de la séparation des Beatles, en 1969, pour s’achever dans les années 75-76, au moment où les Wings étaient alors au sommet de leur gloire, il faut bien l’avouer, ces derniers, avec le recul, ont bien moins marqué l’histoire de la musique que les mythiques Fab Four de Liverpool. Et d’ailleurs, qui se souvient que McCartney avait connu une période de flottement, avec alcoolisme et grosse déprime à la clé, dès lors que le groupe avait splitté. A cette même époque, une rumeur circulait même à propos de sa mort trois ans avant, suite à quoi il aurait été remplacé par un sosie au sein des Beatles ! Tout cela, Hervé Bourhis l’évoque et le dessine de façon rythmée dans cet album aux couleurs très seventies.
Et c’est un bel hommage que rend ici Bourhis au songwriter le plus talentueux et le plus influent de sa génération (avec son compère John Lennon), et qui réhabilite aussi les Wings, passés quelque peu dans l’oubli malgré les pépites que sont, selon l’auteur, Band on the run et Ram. Ce groupe fut pour McCartney une véritable « résurrection », selon les termes mêmes de John Lennon qui était revenu le voir une fois la période de brouille terminée, même si pour la renaissance des Beatles, le point de non-retour avait été franchi depuis longtemps. La narration est à la première personne, celle de l’ami Paul, révélant à quel point Hervé Bourhis s’est identifié, sans en être forcément conscient, à cette personnalité dont le nom est toujours resté associé aux Beatles. Lui aussi, après avoir failli être emporté par la maladie (A ce titre, on peut lire son autobiographie Mon infractus), a connu une sorte de renaissance.
Parmi d’autres anecdotes, en plus de celles énoncées plus haut et tombées dans l’oubli pour une grande partie du public, on découvre comment l’ex-Beatles s’est reconstruit, on suit son redémarrage à zéro assez hallucinant avec ses Wings, soulignant par la même occasion une certaine modestie qui prouve que l’homme était davantage passionné par la musique que préoccupé par sa propre notoriété. Ce qui par la suite s’est révélé porteur, puisque son talent de compositeur était resté intact a l’a ainsi mené au succès. Etonnante aussi cette rencontre improbable avec une super star de la scène africaine, Fela. McCartney était venu au Nigéria pour y enregistrer Band on the run, espérant y puiser une énergie différente. Là encore, le séjour fut marqué par quelques déboires, qui virent l’ex-Fab Four hospitalisé aux urgences suite à un malaise lié à sa consommation excessive de cigarettes.
Le dessin d’Hervé Bourhis est extrêmement vivant et graphiquement très riche avec ses couleurs fluo-psyché. Comme il le dit lui-même dans l’interview à la fin de l’ouvrage, ce grand fan des Beatles (qui avait déjà publié en 2010 Le Petit Livre des Beatles) s’est réellement surpassé par rapport à ses productions précédentes plus minimalistes, ayant mis un an et demi à le réaliser.
S’il fallait une preuve qu’un auteur peut exceller autant dans la narration que dans le dessin, Paul en est une. Richement documenté, l’ouvrage révèle des facettes méconnues de « Macca » mais aussi des autres membres des Beatles, ainsi qu’un aperçu de la réalité du show-biz dans ces années-là. Au final, tous les ingrédients semblent avoir été réunis pour faire de cet album une bulle de nostalgie totalement immersive et jouissive, donnant envie de se plonger dans la discographie de cet artiste.
Laurent Proudhon
Paul – la résurrection de James Paul McCartney (1969-1973)
Scénario & dessin : Hervé Bourhis
Editeur : Casterman
88 pages – 20 €
Parution : 9 avril 2025
La bibliographie rock d’Hervé Bourhis :
En tant que scénariste et dessinateur :
Le Petit Livre des Beatles (Dargaud, 2010)
Le Petit Livre Rock (Dargaud, 2007)
Le Petit Livre French Pop, en collaboration avec Hervé Tanquerelle au dessin (Dargaud, 2018)
Le Brit Book (Dargaud, 2023)
Mon infractus (Glénat, 2024)
En tant que scénariste :
Le Petit Livre Black Music, dessin de Brüno (Dargaud, 2016)
Retour à Liverpool, dessin de Julien Solé (Futuropolis, 2021)
Paul – la résurrection de James Paul McCartney (1969-1973) — Extrait :
