« La Dissonance » de Shaun Hamill : Stranger Things

Dans son deuxième roman, Shaun Hamill raconte l’histoire de quatre adolescents qui se découvrent des pouvoirs magiques. Entre Ça et Stranger Things, La Dissonance est un bon roman fantastique mais surtout une très belle histoire d’amitié.

© Cedrick May

Il est impossible de ne pas y penser, donc autant commencer par là. Oui, La Dissonance, le deuxième roman de Shaun Hamill, rappelle étrangement l’univers du maître Stephen King, et en particulier son chef d’œuvre de 1986, Ça. Comme dans un hommage parfaitement assumé, Shaun Hamill reprend ici en partie la structure mais aussi certains motifs de son modèle. L’intrigue de La Dissonance est construite autour de quatre personnages dont l’auteur va nous raconter l’histoire en alternant deux époques différentes. Au départ du roman, on les découvre adultes en 2019 : ils mènent des vies souvent ternes et malheureuses, ne se fréquentent plus mais la commémoration d’un événement tragique ayant eu lieu des années plus tôt dans leur lycée va être l’occasion de leurs retrouvailles. Après quelques chapitres, commence alors le récit de leur adolescence et surtout de leur découverte de la « dissonance », une magie qui exploite les fragilités de chacun ainsi que ses émotions négatives.

La structure narrative du roman de Shaun Hamill est donc très classique, mais aussi très efficace : alors que l’on sait très tôt que le récit de l’adolescence des protagonistes va mener à la tragédie, on devine aussi rapidement que leurs retrouvailles en 2019 vont être perturbées par des événements imprévus mais qui pourraient bien constituer l’occasion de réparer en partie les erreurs passées.

Shaun Hamill construit son roman sur une « recette » éprouvée, mais dont il s’empare avec un indéniable savoir-faire. Ce gros roman de plus de 600 pages se lit donc avec beaucoup de plaisir et sa partie « fantastique » est l’occasion de quelques scènes mémorables. Précisons également que Shaun Hamill privilégie le surnaturel à l’épouvante et que, contrairement au Ça de Stephen King, le roman ne s’aventure jamais sur des terres trop horrifiques. Mais – et c’est là un point important – l’intérêt du roman, selon nous, réside essentiellement dans le développement très soigné de ses personnages.

En effet, l’attrait principal du roman, c’est son quatuor de personnages, quatre adolescents des années 90 unis par une solide amitié et par la certitude d’être un peu « à part » ; puis quatre adultes malheureux et traumatisés par les tragiques événements liés à la dissonance. Peter est orphelin. Élevé par son grand-père, un intellectuel distant et austère, il vit dans une vaste demeure à la lisière d’une grande forêt qui borde la petite ville de Clegg, au Texas, théâtre des principaux événements racontés dans La Dissonance. Erin, dont Peter est secrètement amoureux, habite quant à elle dans un mobil-home, avec des parents qui ne savent que crier et se disputer. Hal, l’autre garçon de la bande, a grandi seul avec une mère alcoolique, incapable de conserver un emploi plus de quelques semaines. Enfin, il y a Athena, élève studieuse, elle a des parents aimants mais, parce qu’elle est l’une des seules adolescentes noires de son lycée texan, elle a, elle aussi, le sentiment de n’être jamais à sa place. On rencontre ces personnages à un moment charnière de leur existence, celui où les amitiés d’enfance peuvent être mises à mal par l’émergence de nouveaux sentiments, de nouvelles sensations. L’auteur est très habile dans l’évocation de ces troubles amoureux, de ces désirs naissants qui viennent modifier les interactions au sein du petit groupe. Or, c’est justement à l’heure de ces changements qu’ils font la découverte de leurs pouvoirs… Des pouvoirs fascinants, exaltants, mais qui vont peut-être causer leur perte.

On l’aura compris, comme chez King (encore lui !), Shaun Hamill alterne puis entremêle le fantastique à la chronique d’un petit groupe de personnages terriblement attachants. Sans doute un peu trop long dans son dernier tiers – celui au cours duquel la dimension surnaturelle prend un peu trop le pas sur le reste – La Dissonance s’impose malgré tout comme un très bon divertissement et comme le bel hommage d’un élève doué à l’œuvre d’un maître intouchable.

Grégory Seyer

La Dissonance
Un roman de Shaun Hamill
Traduit de l’américain par Benoit Domis
Éditeur : Albin Michel / Coll. Imaginaire
632 pages – 24,90 €
Date de parution : le 30 avril 2025

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