Avec Flowers, Durand Jones & The Indications s’éloignent de la démonstration pour mieux revenir à l’essence de leur musique : une soul humaine, douce et honnête. Une introspection apaisée, portée par des arrangements soignés et une sensibilité à fleur de peau. Ce quatrième album studio signe sans doute leur œuvre la plus cohérente et personnelle à ce jour.
Durand Jones & The Indications n’ont jamais été de simples revivalistes. Leur signature sonore, nourrie par la tradition soul des années 70 et plus particulièrement la scène de Philadelphie, a toujours cherché l’émotion plus que la nostalgie. Depuis leurs débuts, ils ont toujours cherché à éviter le piège de la recette figée, lui préférant des explorations. Preuve en est, le précédent album en date, Private Space, avait fait une part plus belle à une ambiance funk-disco qui s’éloignait quelque peu de l’esprit très vintage de American Love Call.
Mais le dernier venu Flowers revient quelque peu à la source. Ici, pas de fioritures. La production est minimaliste, élégante, pensée pour laisser respirer les voix et les émotions.
Tout au long de l’album, le groupe mise sur des textures organiques : des claviers brumeux, des lignes de basse souples, une batterie douce et précise. L’ensemble crée un cocon chaleureux, dans lequel les morceaux s’épanouissent à leur rythme.
Paradise, qui ouvre l’album, donne le ton : une soul atmosphérique, presque vaporeuse, qui parle d’évasion intérieure. Lovers’ Holiday, tout en groove langoureux et harmonies vocales, est un sommet de sensualité contenue qui se poursuit juste après avec l’excellent I Need the Answer.
La force du band reste bien évidemment la paire vocale menée par Durand Jones et Aaron Frazier, clé de voûte et cœur battant de la formation. Là où le premier joue la partition de l’émotion avec un esprit baryton forcément plus posé, grave, le second et son falsetto permettent des aérations légères et fluides. C’est ainsi que le plus blues Rust and Steel n’est pas sur la même fréquence que le soyeux et solaire Flower Moon. Une opposition de style qui se transforme en complémentarité naturelle lorsqu’ils partagent les morceaux finaux If Not for Love et Without You. Et qui leur permet surtout de s’offrir une palette plus conséquente de structures et d’ambiances musicales.
On sent une maturité artistique sans doute due aux parcours personnels des membres. Jones a sorti un solo remarqué en 2023 (Wait Til I Get Over) où il se livrait à nu et Frazier a également mené sa barque dans des projets plus pop. Des expériences dont ils se nourrissent ici pour livrer un opus plus tranquille, plus sûr de lui sans chercher la démonstration de force et à en mettre plein les oreilles.
Elegant, sincère et sans posture, Flowers est une jolie pierre de plus à l’édifice de Durand Jones & the Indications. En traçant sa propre route, en respectant les codes classiques sans les calquer, le groupe trouve une authenticité qui le distingue de certaines autres entités sclérosées dans la simple copie vintage. Et c’est sur cette voie qu’ils peuvent s’offrir une durée de vie plus importante.
Alexandre De Freitas