Vous tous qui aimez les running gags ou le troisième degré, la Pucelle d’Orléans ou les Monty Python, réjouissez-vous, ce quatrième album de Karibou et Josselin Deparcmeur est fait pour vous ! Foncez !
Convaincue d’avoir été appelée par Dieu pour libérer le royaume, Jeanne parvient à convaincre son père, son curé et le seigneur local de la réalité de ses voix. Interpellé par un angelot de garde, Dieu – le vrai, celui du ciel – dément lui avoir parlé. Inquiet, il descend sur terre sous les traits d’un vieil homme barbu – et non pas d’un athlète musculeux, comme tous semblent l’imaginer – afin de lui demander de renoncer à sa quête. Le Dieu actuel n’exige plus, ni ne condamne plus, il négocie. Or, la frêle Jeanne est obstinée, elle ne veut voir dans son insistance qu’une nouvelle mise à l’épreuve. De guerre lasse, Dieu se résigne à l’accompagner sur la route d’Orléans.
Karibou et Josselin Deparcmeur s’attaquent l’un de de nos plus grands mythes, celui de la jeune bergère qui voulait bouter les Anglois hors du royaume de France et qui, plus surprenant encore, y parvint. Vous connaissez l’histoire, elle finira brûlée sur un bucher par les perfides Anglais. De fait, le scénario de Karibou reprend les grandes étapes de l’épopée de la bergère de Domrémy, des visions à la rencontre avec le Dauphin, de la prise d’Orléans au sacre de Charles VI à Reims, du procès au bucher, une exécution qui s’avèrera plus longue que prévu. Ses réflexions sur la crédulité des hommes, leur fascination pour la guerre et la puissance des routines cardio sont loin d’être absurdes.
Le dispositif graphique de Duparcmeur rappelle celui de Fabcaro : des gags d’une page, un strict gaufrier, une fréquente reprise des cases, un dessin fin et semi-réaliste et des dialogues aussi régressifs que loufoques. Soulignée par l’absence de bouche, la stricte placidité des personnages contraste avec la folie de certaines répliques. Pour qui apprécie le non-sens et le comique de répétition, les anachronismes et les contresens, le résultat est franchement jubilatoire.
Mais, autant les stupidités de Jules César, de Napoléon Ier et des rois grecs (les héros des opus précédents) étaient absolues et définitives, autant celles de Jeanne et de son divin compagnon sont plus subtiles. Jeanne est extraordinairement têtue et naïve. Désespéré par la folie des hommes, Dieu apprécie l’andouillette de Chinon et il hésite, on le comprend, à relancer un déluge.
Stéphane de Boysson
Jeanne et cierges
Scénario : Karibou
Dessin : Josselin Duparcmeur
Éditeur : Delcourt
Collection : Pataquès
64 pages – 13,50 €
Parution : 9 avril 2025
Jeanne et cierges — Extrait :
