Plutôt discrets discographiquement ces derniers temps, Trent Reznor et Atticus Ross font le pari de l’Accor Arena comme étape de la tournée européenne de NIne Inch Nails. Livrant un spectacle total original à la fois radical et fédérateur, ils ont comblé leurs fans.

Petit évènement ce soir à l’Accor Arena, puisque cala fait 7 ans que le groupe n’a pas joué à Paris : c’était à l’occasion d’une tournée faisant suite à la sortie des 2 EP’s Add Violence et Bad WItch. Le groupe a sorti en 2020 les deux derniers volets instrumentaux de sa série Ghosts : Ghost V : Together et Ghost VI: Locusts, remplis de boucles mélodiques et de morceaux atmosphériques. Un exercice réussi, mais loin du travail qui a fait reconnaitre Trent Reznor au début des années 1990 avec notamment ce The Downward Spiral en 1994, qui reste un étalon absolu de rock industriel et un succès commercial impressionnant pour un album ayant pour thèmes la folie et le penchant autodestructeur de son auteur. NIN s’est donc fait discret depuis près de 5 ans, mais Reznor a utilisé ce temps pour collaborer avec Atticus Ross sur de nombreuses musiques de films et de série (Empire of Light de Sam Mendes, ou plus dernièrement Shogun).
L’annonce de la tournée mondiale a donc été plus que saluée par une fan base très fidèle, comme en témoignent les très nombreux t-shirts portés par le public de soir. Le prix des places trop élevé a néanmoins créé une petite polémique, et des rumeurs de faibles réservations ont été relayées sur les réseaux sociaux. Da fait le concert prévu à Lyon à la LDLC le 8 juillet a été annulé sans explications. NIN aurait il vu trop grand ? L’Accor Arena n’est-il pas un péché d’orgueil pour un groupe sans actualité brulante, dont le dernier concert parisien a eu lieu à l’Olympia ? Reznor ne se reposant habituellement pas sur ses lauriers, ce n’est pas le genre de la maison de passer simplement relever les compteurs, en refaisant toujours le même set nostalgique : nous avons donc hâte de découvrir ce que le maître de cérémonie a prévu pour ce soir.
Comme sur toutes les dates de la tournée européenne, la première partie est assurée par Boys Noize, nom de scène d’un producteur et DJ allemand nommé Alexander Ridha que nous ne connaissons pas. Il a déjà collaboré avec Reznor et Ross en remixant la bande originale de Challengers et produit une musique électro plus que compatible avec NIN. L’Accor Arena se révèle finalement plus que bien remplie, et la fosse l’est quasi totalement quand le set de Boys Noize démarre à 19h40. De là où nous sommes placés, assez haut dans l’Arena, le tableau est impressionnant : une lumière rouge sang inonde la fosse, la faisant ressembler à un immense brasier et, sur le coté, Ridha, tel un prince des enfers, a pris position sur une petite scène en face de la scène principale. Au milieu, une sorte de boîte géante toute noire intrigue comme le monolithe de 2001 l’Odyssée de l’Espace. Ce n’est vraiment pas mon truc, l’électro pure, mais dans le genre, ce n’est pas mal du tout, le public est plutôt réceptif, et tout irait bien si la climatisation de l’Accor Arena n’était pas aussi forte. Ils ont dû maintenir les réglages des jours de canicule, parce que c’est insupportable au 2ème balcon, il va falloir commencer à remuer un peu. Le problème c’est que ca dure… Et de fait au bout de 45 minutes de sons plus que répétitifs, Boys Noize a testé nos limites, qui sont, il est vrai, rapidement atteintes avec ce genre de musique. Un début d’agitation autour de la boite centrale semble anticiper l’arrivée de NIN, mais c’est à 21h qu’enfin, le set électro va s’arrêter, après 1h 20 d’une très longue première partie.
NIN ne faisant pas les choses comme tout le monde, le groupe va directement enchaîner : la boite s’ouvre, nous laissant découvrir une scène miniature, avec Reznor au piano qui démarre son concert avec Right Where It Belongs, et une version quasi acoustique de Ruiner. Décidemment, les relectures au piano solo sont à la mode en ce moment… mais ça ne pas durer longtemps. C’est poignant, mais nous ne sommes pas là pour ça !
Atticus Ross, notamment, le rejoint pour un superbe Piggy (Nothing Can Stop Me Now) réarrangé. Le refrain revient en boucle et sur un énième « Nothing can stop me now », le groupe quitte la scène au moment où Ilan Rubin le batteur démarre son festival pour leur laisser le temps d’arriver sur la scène principale. Un tout autre concert peut démarrer, et ça va envoyer. Wish, le fameux Grammy Award de 1993, électrise la fosse dans un déluge électrique, avant que Reznor n’enfonce le clou avec une version hallucinée de March of the Pigs. Ce morceau marche toujours aussi bien qu’en 1994, le son est très fort et les rythmes tribaux de Reptile chanté par le guitariste Robin Finck confirment que The Downward Spiral va être mis à l’honneur ce soir.
Après une telle trilogie, Reznor va dégainer un morceau plus atmosphérique, The Lovers, seul extrait ce soir des 2 EP Add Violence et Bad WItch. Dommage, quand on sait que la groupe est amené à jouer régulièrement sur cette tournée God Break Down the Door, extrait de Bad Witch, et leur meilleur morceau récent. Reznor est entouré par ses clones sous forme de fantômes pendant A Copy of A et Gave up, deuxième extrait de Broken ce soir, qui conclut magnifiquement cette deuxième partie du concert dans une version superbe. Ce titre n’a plus rien à prouver, et le groupe le magnifie avec notamment un solo parfait de Robin Finck. La puissance de NIN est résumée dans ces 6 derniers titres qui font taire tous les sceptiques : ils sont toujours une machine de guerre implacable !
Reznor va alors considérer que nous n’avons pas assez entendu Boys Noize ce soir. Atticus et le clavier Alessandro Cortini vont se déplacer avec lui sur la « B Stage » pour 4 titres vraiment électro club, dont 2 extraits de Year Zero (Vessel et The Warning). L’ambiance évoque Ibiza, et l’Accor Arena se transforme en club géant. On retiendra surtout de ce passage une interprétation magique de Came Back Haunted qui, à elle seule, justifie cette collaboration, et qui nous la fait recouvrir. On saluera la démarche de piocher ainsi dans le back catalogue.
Le retour à la scène principale promet une fin de concert dantesque, pleine de fureur et d’électricité. 1.000.000 extrait de The Slip peine à fasciner, mais, ensuite, c’est le déluge attendu. Heresy, le mythique Closer avant The Perfect Drug, tiré de la bande originale du Lost Highway de Lynch sur lequel Ilan Rubin va justifier le titre de meilleur batteur du monde décerné par Trent lui-même. Burn est fabuleuse alors que Head Like a Hole sonne toujours aussi nécessaire et primale que lorsque nous l’avons découverte en 1989, en ouverture de Pretty Hate Machine. Naturellement le concert va se terminer avec Hurt, désignée dans ces pages comme la chanson le plus triste du monde et universalisée par Johnny Cash. Il a beau vouloir rejeter les conventions, Trent Reznor, cela ne va quand même pas jusqu’à ne pas jouer son principal tube à la fin du set. 1h40 pour remettre le groupe à sa juste place parmi les performers les plus marquants du circuit.
Certes Reznor n’est clairement plus dans l’autodestruction, et il semble être désormais dans la forme de sa vie, mais le show reste intense et peu banal. Le succès de Nine Inch Nails est revigorant : une musique à la fois inventive et radicale, mixant des styles très différents avec une exigence rare et une prise de risque mesurée mais réelle. Tout cela force le respect.
Laurent Fegly
Photos : Jean Ox (photos verticales), Laurent Fegly (vue générale), Jean-Pierre Breillat (photo horizontale)
Un concert qui, pour ma part, m’a laissé sur ma faim et même frustré. Le son était apparemment génial pour une partie du public mais de là où je me situais, en fosse près de la petite scène, le mixage en quadriphonie a donné un son bizarre, incomplet et parfois lointain. Par ailleurs, le dispositif de changement d’une scène à l’autre, obligeant la sécurité à créer un cordon de sécurité qui divisait la fosse en deux, a été pénible. Pour cette raison, je ne suis jamais vraiment arrivé à rentrer dedans. À cela s’est ajouté l’absence de morceaux de The Fragile (pour moi, leur meilleur album) et assez peu de morceaux atmosphériques qui fait que j’ai eu l’impression d’un set court, efficace, voire même un peu expédié. Quand on paie entre 60 et 120 euros pour voir un concert, on est en droit d’euros d’attendre plus d’1h35, non ? Bon, je retiens la scénographie, absolument sublime, surtout sur la grande scène sous sa forme « unpeeled ». Pour le reste, je suis passé à côté de ce qui a été pour beaucoup une super soirée.
Je lis des critiques dithyrambiques dans certains médias ou blogs, mais je ne peux qu’exprimer mon désaccord. J’avoue avoir été déçu par ce concert, que j’ai apprécié, mais pas autant que mes précédentes expériences. A deux pas de la scène, le son était franchement mauvais, diffus, mal defini pour certains instruments. Bercy ne s’améliore pas…
Quant au groupe, après la bonne surprise d’une intro émouvante sur la petite scène avec le premier morceau, j’ai trouvé les versions acoustiques assez peu inspirées, limite chiantes. Je n’ai vibré que quand le groupe a débarqué sur la grande scène avec un Wish énorme. La suite était bien, mais quelque peu gâchée par un son médiocre, comme déjà dit.
Le retour sur la petite scène avec le cluber allemand Boysnoiz a été une purge. Je ne suis pas contre les remix (quoique…), j’apprécie la prise de risque et l’innovation. Sauf que là j’ai eu l’impression de sous-versions des originales, l’invité n’a rien apporté d’intéressant. Seule Sin a surnagé parmi cette sélection. La dernière partie sur la grande scène était bien, sur des rails, sans communication avec le public, vite expédiée. Je ne regrette pas le déplacement à Paris, mais j’ai souvent vécu beaucoup mieux.
Lundi… drôle de jour pour un concert. On commence la semaine avec une bonne volonté toute neuve, un brin d’énergie en poche, mais déjà le doute s’installe : est-ce bien raisonnable d’en profiter ? Le spectre du mardi et du reste de la semaine plane.
Quoi qu’il en soit, j’avais mon billet pour retrouver un vieil ami : Trent Reznor. Direction Bercy. Et là, le choc : une maree noire s’étale sur le parvis de Bercy. Un navire de metalleux gothique venait sans doute de s’échouer.
Dans la salle, au centre de la fosse, une petite scène trône. Mini-plateforme qui aurait mieux convenu à une Madonna ou à une fermière rougeoyante. Un joujou de mise en scène parfait pour le DVD live, nettement moins pour les gens en fosse quand le gros du concert se passe sur la scène principale (mais nous y reviendrons)
Et puis commence la douleur : la première partie. Comprenez-moi bien : je ne suis pas fermé. Il m’est déjà arrivé de m’agiter, même de suer, sur de l’EBM déglinguée à 1h du mat. Mais là, 20h, à jeun (enfin, de maniere raisonnable), sans acide, pas collé contre un crush du soir ou un amour de toujours… Devoir se chauffer à la techno froide, c’est rude. Et manifestement, je n’étais pas le seul à m’interroger sur le sens de cette punition. Au début, on esquisse un sourire… Puis on soupire. Les discussions qui s’étaient tues pour la musique reprennent. Le DJ mixe dans un vide intersidéral.
Puis enfin, Trent arrive. Sauveur. Sur la petite scène d’abord, pour un set acoustique qui fonctionne. Puis les guitares arrivent, et ça cogne. Et là : le retour sur la scène principale, et avec lui, une étrange cassure. Quelque chose cloche. La fosse semble être coupée en deux. Rassurez vous, je ne vais pas revenir sur la performance du monsieur : vous l’avez déjà encensée. Mais trois trucs m’ont gratté :
Cette fichue mini-scène, qui ne sert qu’à un retour technoïde franchement dispensable (on dirait trois mecs qui mixent entre eux pour s’occuper). Et là on peut se poser la question de la pertinence d’avoir mis ce bloc.
Un son parfois immonde, mal équilibré, comme si les enceintes s’étaient mises en grève. Alors si j’ai bien compris, c’était pour un effet 360 mais ǰe n’avais pas mes lunettes 3D.
Et surtout : 1h30 de concert. Sérieusement ? Pour Nine Inch Nails ? On n’est pas chez Gwendoline ou dans un concert des Red Hot. Là, c’est du lourd, pas une soirée showcase. 1h30, ça frôle l’escroquerie.
Alors voilà. Je suis en vacances, allongé près d’une piscine, et comme Trent Reznor, je ne vais pas m’éterniser. C’était un bon concert, oui, mais à des années-lumière de ce que le groupe envoyait il y a dix ou quinze ans.