[Disney+] « Daredevil – saison 2 et 3 » : les seules véritables réussites de séries TV Marvel ?

En attendant la « renaissance » du justicier masqué de Hell’s kitchen sur Disney+, repenchons-nous sur les saisons 2 et 3 de la série Netflix, qui le voyaient lancé dans une quête entêtée pour nettoyer New York de l’influence de Wilson Fisk. Et c’est dans une certaine subtilité narrative, au sein d’un manichéisme de tragédie façon comics, que Daredevil trouvait son équilibre.

Daredevil S2
Jon Bernthal, Charlie Cox – Copyright Patrick Harbron / Netflix

En 2015, lors de sa sortie sur Netflix, mon collègue Julien Dufresne-Lamy éreintait la première saison du Daredevil de Marvel chez Netflix. Au point que je ne me lançais même pas dans le visionnage de la série, malgré ma marvel-ophilie compulsive. Depuis, la licence est repassée sous casaque Disney, et Disney+ a choisi de donner une suite aux trois saisons du personnage incarné pour Netflix par Charlie Cox, et de son antagoniste Wilson Fisk, toujours interprété par Vincent D’Onofrio. Pour la bonne cause, j’ai bingé la production 2015 / 2019.

Premier constat, je n’abonde pas à la conclusion de ratage de mon collègue. Peut-être parce que je m’astreins à regarder toutes les séries Marvel depuis le rachat de la maison des idées par Disney, je trouve que les 3 saisons du Daredevil de Netflix sont une réelle réussite, au moins dans leur capacité à conférer quelque chose de l’ordre de la « normalité » à l’avocat Matt Murdoch, confronté au crime organisé et à la nécessité de rétablir l’équilibre de la justice dans un quartier de New York verrouillé par une pègre de dessin animé. Quelque chose de très BDesque à la Miller.

Alors oui, c’est vrai, les deux saisons consécutives à sa critique ne font guère mieux que la première quand il s’agit de parler des armées de « méchants ».  Effectivement, des ninjas aux Albanais, en passant par les sociétés secrètes capables de faire revivre les zombies, les groupes de méchants ne brillent pas par leur subtilité. Oui, mais les créateurs de la série musclent la perversion de Fisk, et dopent leur show avec deux vilains intéressants : Elektra, ex-petite amie un brin bipolaire de Murdoch, ce qui rend un antagoniste attachant, et l’intégration du Punisher dans le fil narratif, en méchant tueur pour une bonne cause… Deux personnages qui évitent une certaine redondance du côté des méchants, et apportent un peu de variété à l’ensemble de la saison 2. Puis dans la saison 3, les scénaristes intègrent Dex, un psychopathe en perte de repères. Soit des antagonistes crédibles pour le héros, qui vont l’obliger à s’appuyer aussi sur son entourage.

Je confirme le côté « ronronnant » des chorégraphies de combat. Mais là où mon collègue y voyait une forme d’indigence, je veux croire, quant à moi, que les réalisateurs ont fait des scènes de baston avec moultes pêches et coups de pieds retournés une sorte de poncif de la série, comme les fusillades sont l’apanage des séries policières, le « multi-pêches » de Daredevil est l’élément récurrent, le tropisme personnage. On l’attend, il vient quasiment à chaque épisode. Et oui, parfois on se dit: « ah encore un coup de pied en volte… »

Mais, la grande force des 3 saisons Netflix de Daredevil est, à mon sens, de souvent faire oublier (ou presque) qu’on est dans une série de genre super héroïque. Dès la saison 2, les showrunners étoffent la psyché des trois protagonistes Nelson, Murdoch et Page, et multiplient les ressorts permettant à Fisk de prendre un rôle de quasi minotaure de New-York avalant les valeurs, les finances, la moralité et même la foi des New Yorkais. Ce Daredevil-là me fait plus penser à un bon New York Police Blues qu’à un mauvais… Ou à un mauvais… Eh bien, en fait, on n’a aucune référence de série de super héros époque Disney qui se serait déployée avec efficacité sur 3 saisons. La réalisation, souvent faite de plans séquences, réduisant les FX au minimum visible, accentue cette impression de regarder plutôt une série policière qu’une régalade de super héros. Ce qui accentue parfois, j’avoue, l’effet de redondance des scènes de combat citée plus haut. Cependant, il n’y a qu’à regarder la mini série autour de Echo (une mutante dont la famille est liée à Wilson Fisk) époque Disney, pour voir qu’il ne suffit pas de mettre d’Onofrio dans un costume blanc pour que son personnage fonctionne. Il y a donc bien une volonté narrative et une efficacité de la réalisation particulières qui fonctionnent dans un cas et pas du tout dans l’autre.

 

Daredevil S3
Deborah Ann Woll, Charlie Cox – Copyright David Lee/Netflix

A ce titre, la saison 3, et la dernière pour Netflix, est intéressante. Elle ramène le personnage à ses origines, lui fait tomber le costume dont il tire sa renommée cinématographique. Et le scénario bien ficelé l’amène à devoir constamment choisir entre son ego d’humain et sa personnalité de super héros, entre le vengeur et l’avocat, entre le pote ou le vigilante. Le combat entre Fisk et Murdoch prend de multiples facettes : de force brute, de politique, de légaliste. On voit un d’Onofrio parfait en manipulateur calculateur anticipant les coups du camps du bien jusqu’à le mettre à genoux…. Et obligeant le diable de Hell’s Kitchen à jouer sur la corde raide entre l’éthique, la morale et la justice. Jusquà une issue impeccable et loin d’être prévisible.

En étoffant progressivement la psychologie de Karen Page (Deborah Ann Woll), Wilson Fisk (Vincent D’Onofrio), Matt Murdoch (Charlie Cox) et Foggy Nelson (Elden Henson), ces deux saisons permettent réellement à leurs acteurs de déployer leur talent, et d’ajouter leur patte personnelle à leur personnage. Et cela fait du bien à la série. On s’attache à l’histoire personnelle de Karen Page, aux déchirures de l’enfance de Murdoch (qui trouve échos tout au long de la saison 2 et plus encore dans la saison 3). On aime ce Nelson tiraillé entre le destin familial, l’élévation sociale, et la foi aveugle en son pote de fac qui lui rappelle constamment pourquoi il a choisi la loi, en vue d’amener du positif dans son quartier. Les showrunners ont l’intelligence de créer aussi un second cercles de vilains récurrents (Le Punisher, Dex, Elektra, James Wesley, Stick, Vanessa Marianna…), de policiers (Nadeem, Mahoney…), de journalistes (Ben Urich, Ellisson..), de membres du clergé, auxquels la série prend le temps de nous attacher pour épaissir les intrigues et permettre les sidequests sur la durée des 3 saisons.

A la fin de l’ultime saison on a vraiment l’impression d’avoir bingé la série comme on aurait feuilleté les comics d’ado, jusqu’à se demander si Daredevil ne serait pas notre super héros préféré. A part Le Légion de HBO, aucune série TV Marvel n’a à ce point provoqué de parallèle avec la lecture hebdomadaire d’un comics. J’aime cette approche, j’aime le temps mis par les scénaristes pour créer une vraie saga dans un Hell’s Kitchen qui est autant New York que n’importe quelle ville du monde, où la frontière entre pègre, finance et politique est ténue.

J’ai presque peur, alors que je démarre le Daredevil Born again (la suite 10 ans plus tard, sous la houlette de Disney) que la plateforme aux oreilles de Mickey ne gâche l’efficacité du narratif de la série originale. On en reparlera !

Denis Verloes

Daredevil – Saisons 2 (2016) et 3 (2018)
Série de Douglas Petrie, Marco Ramirez (Saison 2), Erik Oleson (Saison 3)
Avec : Charlie Cox, Vincent d’Onofrio, Deborah Ann Woll, Elden Henson, Toby Leonard Moore, Vondie Curtis-Hall, Ayelet Zurer, Jon Bernthal, Élodie Yung, Wilson Bethel…
Genre : Super-héros, drame, thriller
2 x 13 épisodes de 60 minutes, disponibles sur Disney+

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