Un projet ambitieux, car il propose plus une histoire du théâtre en France, sérieuse et humoristique, que seulement celle de la Comédie française, couvrant 400 ans de créations et d’intrigues politiques, avec des figures emblématiques.

La Comédie-Française a fêté ses 400 ans en 2022. On attribue à tort sa création à Molière. Ce dernier est mort sept ans avant sa fondation par Louis XIV, mais c’est bien sa troupe qui en fournit la première ossature.
Au Moyen Âge, le théâtre est réservé aux œuvres religieuses, ce qui n’empêcha pas les comédiens d’être traités par l’Église à l’égal des prostituées, ils ne pouvaient recevoir l’absolution, et donc être enterrés chrétiennement, que s’ils renonçaient à leur métier.
Au XVIe siècle, avec ses masques, ses outrances et son humour, la comedia dell’arte apporte de la nouveauté, le théâtre plait et intéresse le pouvoir. Dans une première partie, nous découvrons Molière, dans ses doutes et ses échecs, puis ses douze années en province, avant son retour triomphal à Paris. Le théâtre classique est né. Nous suivrons les scènes parisiennes de Louis XIV au sacre de Napoléon Ier.
Très dense, le texte de Michaël Le Galli est porté par un scénario dynamique et des répliques piquantes, que l’on croirait tirées d’une comédie de mœurs contemporaine. Il mêle les grands auteurs, Corneille, Racine, Molière, Voltaire ou Beaumarchais, aux puissants de leur temps, les monarques et ministres, sans oublier les grands acteurs. Oubliés aujourd’hui, Armande Béjart, Talma ou Mesdemoiselles Mars, George ou Duchesnois, déchainèrent les passions.
Par sa situation et son prestige, le théâtre parisien fut mêlé aux intrigues du pouvoir, ce qui lui vaudra quelques incarcérations, aussi bien sous la monarchie, que, plus dangereuses, sous la Terreur. Raconter le Comédie-Française nous amène à étudier le contexte politique, de la démesure de Louis XIV, à la sagesse, toute relative, du Régent, pour finir avec l’ambition de Bonaparte…
Le dessin de Virginie Augustin associe une très grande précision du trait à la caricature et l’expressivité. Si les pages découpées en trois bandes sont agréables à lire, celles en quatre bandes sont trop riches, ses « miniatures » mériteraient un plus grand format. Les décors sont beaux et elle n’hésite pas à proposer de complexes mouvements de foules, dans ses théâtres ou à leurs portes. La colorisation est douce et chaleureuse, la séquence de la Terreur fort bien rendue.
Mais le grand homme de ce premier opus demeure Molière, qui, après sa mort, refuse de nous quitter, reste sur scène et vient régulièrement nous confier son point de vue. Avouons qu’il sut si bien sublimer les travers de son temps, l’orgueil, l’hypocrisie et la vanité, en faisant rire des puissants, que ses caricatures n’ont rien perdu de leur modernité. Allons au théâtre !
Stéphane de Boysson
Une histoire de la Comédie-Française, tome 1 : C’est la faute à Voltaire
Textes : Michaël Le Galli
Dessins : Virginie Augustin
120 pages – 20 €
Éditeur : Rue de Sèvres
Parution : 26 mars 2025
Une histoire de la Comédie-Française, tome 1 — Extrait :
