Cinq ans après l’excellent Alfredo, Freddie Gibbs et The Alchemist remettent le couvert pour une suite toute aussi alléchante. Une seconde louche pleine de rap underground sauce samples psyché avec supplément influences 90’s et film de gangsters. A consommer sans modération.

Dans une discographie en tout point solide, l’inénarrable rappeur Freddie Gibbs atteint son acmé dès lors qu’il partage l’affiche avec un seul et unique producteur. Il y a eu les inoubliables projets communs avec Madlib, Piñata en 2014 puis Bandana en 2019, avant de croiser le fer en 2020 avec un autre monument des studios et des samples en la personne de The Alchemist. Là où le premier lui permettait de briller sur des circuits alternatifs, le second colle un peu plus à sa face gangsta boom-bap, très proche de l’essence des 90’s.
Au vu de la qualité et de la réception très chaude réservée à Alfredo, il parut tout de suite à l’époque assez évident de s’imaginer les deux compères pour une seconde mouture dans un futur plus ou moins proche. Et cinq ans plus tard, au milieu d’une multitude d’autres sorties menées de front de part et d’autre, la réunion tant espérée a bel et bien lieu avec Alfredo 2. Pas de fioritures, on reprend le même nom, une pochette très similaire pour bien marquer l’aspect suite logique des événements sur le papier.
La retranscription auditive ne laisse pas plus de place au doute : on revient pile là où l’on était sur le premier volet. Freddo et son flow mitraillette rappe à tout va pour donner du relief aux productions sinueuses et souvent à tempo modéré d’un alchimiste encore très bien inspiré. 1995 imprime le rythme et l’ambiance d’emblée avec son double beat, son sample de guitare électrique où Gibbs n’a plus qu’à briller de mille feux. Une symétrie de 1985, morceau introductif du précédent.
Pas de surprise donc à les voir évoluer en zone de confort ici. Ce qui n’est en rien péjoratif puisque les deux garçons évoluent chacun à des niveaux très élevés dans leur domaine respectif. Niveau rap, peu peuvent lutter avec la technicité élastique, l’aspect gâchette du micro et l’attitude déterminé de Freddie et que dire alors des productions d’ALC ? Atmosphère fumeuse, lancinante, des idées de boucles absolument démentes, on pioche dans la soul, le jazz ( (Feeling), le rock psyché (Lavish Habits) et on les incorpore à l’univers hip-hop, option film de gangster vintage. Imparable.
Le duo maitrise son sujet, l’alchimie est évidente entre leurs qualités et leurs univers. On peut passer du boom-bap ultra simple mais efficace d’un Mar-a-Lago ou de I Still Love H.E.R. à des titres plus dépouillés/hypnotiques comme Empanadas, Skinny Huge II jusqu’aux plus recherchés et pointus Shangri La et Gold Feet, le constat est unilatéralement implacable : ils sont injouables. Et lorsque les copains Larry June et JID se joignent à la fête, ils se fondent parfaitement dans le moule. Avec une mention spéciale à Anderson .Paak venu mettre un groove très appréciable sur Ensalada, morceau un peu à part mais l’une des grosses réussites du disque.
Attendu, Alfredo 2 fait totalement le job. Dans la continuité de son éminent ainé, il permet à la paire d’affiner encore mieux leurs accointances, sur un format un peu plus long, plus recherché et fourni. Un vrai et très bon album de rap, encore un de plus dans l’escarcelle de chacun.
Alexandre De Freitas