La Collision est un premier roman saisissant signé du journaliste Paul Gasnier, qui tente d’analyser les fractures profondes d’une France qui gronde, en partant du faits divers accidentel qui causa la mort de sa mère.

2012, centre-ville de Lyon, un accident de moto coûte la vie à la mère de l’écrivain, alors âgé de 21 ans. Saïd, le responsable, pratiquait le rodéo urbain quand il a percuté sa mère à vélo dans le quartier de la Croix-Rousse. Elle meurt quelques jours plus tard, et c’est seulement une dizaine d’années après que son fils choisit d’évoquer ce drame personnel, devenu un triste événement médiatique prompt à la récupération politique.
Ce premier livre s’apparente davantage à l’enquête judiciaire et sociologique de cet accident fatal, même si, au final, l’élaboration et la rédaction de ce texte sont une façon, pour l’auteur, de verbaliser sa douleur, son ressentiment, et donc de faire son deuil.
En développant de manière aléatoire les points de vue des différents protagonistes entourant l’affaire, La Collision permet de contextualiser un simple faits divers, comment chacun l’a reçu ou s’en est emparé, et les conséquences médiatiques, politiques, sociales qu’il a engendrées. Que le livre propose les témoignages de l’avocat de la défense ou de la sœur de l’inculpé, le résultat est le même : entendre de multiples voix pour dessiner le plus finement l’écho que peut avoir un accident « générationnel » (le rodéo urbain étant socialement très marqué) sur les mentalités.
En mettant en parallèle la situation politique de la France à l’époque (montée des extrêmes, etc…), l’essor des médias en continu qui mettent en exergue les fractures sociétales afin de biaiser l’opinion publique, et la mort accidentelle de sa mère, Paul Gasnier assume une radioscopie fine et très documentée d’une France complexe, avec ses jugements hâtifs, ses condamnations trop rapides, ses points de vue qui n’opposent plus aucun débat…Avec un recul qui tient de la prouesse, il ne propose aucun discours vengeur ou moralisateur, il ne pose aucun diagnostic violent ou réprobateur sur le fait, mais tente d’apporter ses réflexions (assez journalistiques pour le coup) sur la confrontation, comme une « collision » métaphorique, entre deux mondes différents qui se sont percutés un beau matin de juin 2012 : la bourgeoisie lyonnaise et la deuxième génération d’immigrés de la banlieue proche. Schématiquement, au delà de la fracture stéréotypée « bobo / racaille », comment rester humble et sans rancœur sur ce qui s’est passé ? Comment évoquer la douleur, pardonner, continuer à vivre dans ce monde plus apte à condamner violemment et rapidement qu’à comprendre les évolutions sociologiques et politiques d’un pays qui s’effondre lentement ?
La Collision demeure davantage un essai sociologique et presque politique, qu’un simple roman fictionnel sur un drame personnel. Paul Gasnier ose un constat « littéraire » – résolument de gauche – pour avancer dans son cheminement de deuil et enfin, possiblement, trouver la paix intérieure. Sans pathos, sans tire-larmes, cela reste aussi troublant que poignant.
Jean-François Lahorgue