Quand on ouvre un livre (ou une BD) de Fabrice Caro (ou Fabcaro), on sait qu’on va se marrer. On sait moins que cela va nous rendre nostalgique. Pourtant, son dernier opus évoque l’année de Terminale de Daniel, qui doit aujourd’hui avoir la cinquantaine. Et à la fin du livre, on est tous Daniel, ou on l’a tous connu… Probablement le livre le plus touchant et le plus doux-amer du trublion du monde littéraire français actuel.

« Il venait d’avoir 18 ans » : Daniel et ses potes, Daniel et ses amourettes contrariées, Daniel et les filles, Daniel passe le bac… petit résumé de cet ouvrage qui détaille toute une année scolaire de cet adolescent aux portes de l’âge adulte, probable incarnation de l’auteur tant les détails semblent précis et authentiques. En tous les cas, tous les éléments suggérés dans ce roman – des disques de la chanteuse Elsa au film Le Cercle des Poètes Disparus qui est adoré dans les pages – convergent vers des personnages qui sont aujourd’hui entrés dans une cinquantaine – soit le début de la fin…
De fait – et possiblement parce que j’ai le même âge que Fabrice Caro – l’écho des situations drôles et souvent ridicules qui s’enchaînent dans « les derniers jours de l’apesanteur », (me) rendent particulièrement nostalgiques. La force de l’écriture de Caro, depuis Le Discours, est de faire de ces moments d’écriture des épisodes de vie qui parlent forcément à tout son lectorat. N’importe qui ayant ouvert un de ses romans ou BD s’est un jour exclamé « Mais c’est TELLEMENT CA ! ». D’où le succès solide et permanent de cet écrivain à la fois léger et très contemporain, au verbe qui fait mouche et qui rassemble, à l’écriture fluide, simple et efficace, qui génère bien souvent sourire ou éclats de rire.
Pour autant, ici, une certaine émotion transpire dans le derniers tiers du livre. On oubliera le côté suspense (peu convaincant) autour d’un élève qui disparaît et qu’on recherche de manière peu active et crédible, pour se concentrer sur les derniers moments de Daniel au lycée, avec ses amis, les cours particuliers de maths qu’il donne et qui n’amènent aucun résultat probant, ses dragues larvées avec Cathy comme autant de semi-échecs… Et ses ultimes moments avant le passage du baccalauréat, donc avant la fin des années lycée, donc avant le passage à la majorité, DONC la mort de l’enfance… sonnent un peu comme un glas doux-amer, un chant du cygne qui serre un peu la gorge sous les rires discrets… un petit quelque chose de tragique dans cette description nostalgique d’une époque où on croyait à tout, on espérait tout et on avait quand même déjà peur de tout.
Loin du « c’était mieux avant », le dernier roman de Fabrice Caro préfère le « ah quelle époque ! On était cons » un brin nostalgique non pas d’une décennie qu’on regrette, mais d’un moment de vie (la fin de l’adolescence) qui résonne en chacun de nous comme un film pas si vieux, toujours vivace, mais empreint d’une belle mélancolie. Et Les Derniers Jours de l’apesanteur, malgré quelques longueurs en milieu de parcours, brille de cette burlesque mélancolie.
Jean-françois Lahorgue