Ils en ont fait du chemin les garçons de shame depuis Songs of Praise en 2018. Cutthroat, leur quatrième album, est la preuve de l’évolution artistique des londoniens, jamais les derniers pour délivrer leur énergie punk qu’ils déclinent désormais par différents prismes sonores.

Présentés comme les dignes suiveurs des IDLES et autres Fontaines D.C., les trublions de shame se sont finalement fait un malin plaisir à tracer leur propre destinée quitte à sortir quelque peu du train de la hype. Après deux très solides premiers albums (Songs of Praise puis Drunk Tank Pink) pour se forger une belle réputation sur la scène post-punk, le band londonien a dévié de sa trajectoire initiale pour proposer un troisième disque plus conventionnel, moins frais disons. Ce qui a sans doute cassé la dynamique de l’effet tornade des débuts.
Ce nouveau et quatrième volet, Cutthroat, est une sorte de croisée des chemins. Où Charlie Steen et ses petits camarades sortent tout d’abord les muscles et déroulent un plan sans accroc : on tape fort, on crie et on donne tout. A ce petit jeu là rien à dire, ils sont plutôt forts. Le single éponyme Cutthroat en ouverture puis Cowards Around, Quiet Life et le survolté Nothing Better font le café et s’inscrivent dans la lignée de ce que le groupe sait faire de mieux. C’est maitrisé, simple et surtout totalement efficace. On retrouve ici cette énergie brute et primitive du départ, l’une de leurs principales forces de proposition.
Mais shame n’abandonne pas pour autant son idée d’entité mouvante, l’envie de creuser son propre sillon et d’explorer d’autres terrains de jeu. Alors, petit à petit, l’opus quitte le confort de la rage pour continuer là où Food for Worms s’était arrêté. Des tentatives plus sages, plus pop parfois avec Spartak et To and Fro en têtes de gondoles. Avant de s’envoler pour des compositions carrément « dansantes » en allant chercher des éléments électroniques (After Party, le new-wave Axis of Evil).
Si on peut louer la capacité du groupe à se renouveler et à briser les frontières, ce Cutthroat donne aussi l’impression de ne pas toujours savoir où il nous emmène et ce qu’il veut réellement nous raconter. On passe du spoken-word sous refrain brésilien (Lampiaõ) à du punk indus (Screwdriver) avant de trouver la lumière divine sur l’excellent et tendu Packshot par exemple. Il y a un peu de tout, à boire et à manger selon les convives et chacun se fera son petit menu sur mesure.
Reste la gouaille de Steen, l’attitude à la fois décontractée et survoltée que dégage la troupe en toutes circonstances. Ils paraissent toujours sympathiques, plein de bonne volonté alors on leur pardonne assez facilement ce côté bordélique et les quelques couacs pour ne garder en tête que la vitalité mise en boîte et ce dynamisme communicatif. Des atouts qu’ils n’oublieront certainement pas d’appliquer à l’heure des lives.
Alexandre De Freitas