« Au temps de Botchan, livre 3 », de Natsuo Sekikawa et Jirô Taniguchi : la poésie ne nourrit guère…

Les 5 tomes de Au temps de Botchan sont considérés au Japon comme une véritable fresque historique et littéraire. Le troisième volet est consacré au poète Ishikawa Takuboku.

Au temps de Botchan, livre 3 - Natsuo Sekikawa et Jirô Taniguchi
© 2025 Sekikawa / Taniguchi /Delcourt

Natsuo Sekikawa et Jirô Taniguchi nous plongent à la fin de l’ère Meiji, période qui correspond à l’orée de notre XXe siècle, quand le Japon, qui vient de vaincre la Russie impériale, s’ouvre, lentement, à la modernité. Les Japonais apprennent à vivre dans un monde plus ouvert et moins féodal. Le scénario s’attache à suivre les jeunes écrivains et poètes qui, frappés par leur découverte de la littérature occidentale, seront les premiers auteurs « modernes » nippons.

Au temps de Botchan, livre 3 - Natsuo Sekikawa et Jirô Taniguchi Le troisième tome, qui peut être lu isolément, s’articule autour de la figure tragique du poète Ishikawa Takuboku (1886-1912) – souvent présenté comme le « le Rimbaud japonais » ou « le poète de la tristesse » – mort à seulement 26 ans de la tuberculose. Takuboku a laissé un journal qui permet à Natsuo Sekikawa de nous le présenter très finement.

Takuboku a un problème avec l’argent. Il peine à concilier ses obligations familiales – il est l’aîné de sa famille, marié et père d’un enfant – et son envie irrépressible de profiter des plaisirs du monde. Alors, il vit d’avances sur son, il est vrai fort maigre, salaire et surtout d’emprunts jamais remboursés. Le poète a développé une véritable expertise dans les techniques de sollicitation de ses nombreux amis et admirateurs, il sait trousser de très belles lettres, faire appel au meilleur de ses proches, afin de leur soutirer de l’argent. Scrupuleux, il note très précisément le détail de ses dettes. Mais, une fois sa crainte de manquer apaisée, il s’empresse de tout dépenser en futilités. Mais, c’est aussi dans ses moments de débauche que l’inspiration est la plus forte. S’il n’achèvera pas ses romans, il laissera un journal et des recueils de poèmes très appréciés.

Le style, très classique, du moins à nos yeux élevés à la « ligne claire », de Jirô Taniguchi en en a fait un auteur de manga très apprécié en France. Si son dessin est toujours aussi précis et contemplatif, la diversité de ses travaux surprend. Il passe ainsi de séries d’aventures ou de polars à des fresques historiques ou familiales, puis de déambulations culinaires ou méditatives à des récits animaliers.

Les derniers chapitres prennent un ton plus politique. Peut-être pour tenter de justifier son égoïsme, Takuboku déclare que la modernité voit le triomphe de l’égo et, déjà, de l’individualisme. Il en déduit que la (vieille) société japonaise est condamnée. Plus inquiétant, il fréquente des auteurs socialistes ou anarchistes, mais la police veille.

« Oublier de prendre ses médicaments,
ce tout petit rien,
un plaisir d’une longue maladie »
Ishikawa Takuboku, traduit par Marie-Pascale Veinard

Stéphane de Boysson

Au temps de Botchan, livre 3
Scénario : Natsuo Sekikawa
Dessin : Jirô Taniguchi
Editeur : Casterman
312 pages – 22 €
Parution 14 mai 2025

Au temps de Botchan, livre 3 — Extrait :

Au temps de Botchan, livre 3 - Natsuo Sekikawa et Jirô Taniguchi
© 2025 Sekikawa / Taniguchi /Delcourt

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