Quand la douleur ne vous lâche pas et que la médecine échoue à vous soulager, que vous reste-t-il ? Si le corps lâche l’affaire, l’esprit pourrait-il lui venir en aide ? C’est ce que nous raconte Sébastien Pons à travers sa propre expérience, comme un véritable récit initiatique……

Pour Sébastien, qui avait choisi de vivre de son art, tout s’annonçait bien avec cette première exposition de dessins. Mais un beau jour, sans prévenir, il fut foudroyé sur place par une effroyable douleur au genou. Il y avait bien cette histoire d’agression, un an plus tôt, qu’il avait voulu rayer de sa mémoire. Le problème, c’est que les médecins ne parviennent pas à identifier la cause. Le genou n’est pas cassé, c’est certain, mais la médecine traditionnelle semble impuissante à traiter le mal. Et si le remède était en lui ?
Impossible de ne pas être intrigué par ce lourd pavé à la couverture un brin mystique évoquant un univers heroïc-fantasy. C’est à partir de l’expérience personnelle de l’auteur qu’est née l’idée de ce récit, assez étonnant il faut l’avouer.
Démarrant sur une accroche spectaculaire, où l’on voit Sébastien s’effondrer sur le sol avant de se tordre de douleur, le récit va ensuite adopter une tonalité plus intimiste et pour le moins délicate d’un point de vue graphique. On ne sera pas surpris puisque l’auteur a vécu quelques années au Pays du soleil levant, et son dessin traduit plus que clairement une influence manga. Son style, assez sobre, évoque peu ou prou le travail de Jiro Taniguchi, en moins réaliste cependant.
On va d’abord le suivre dans son parcours médical qui s’apparentera davantage à un chemin de croix, narré de façon très elliptique et se terminant sur le constat d’impuissance des docteurs. Ce qui mènera le jeune homme à se tourner vers les médecines « alternatives », inspirées des pratiques ancestrales asiatiques, souvent récupérées de façon mercantile en Occident, sous l’appellation « développement personnel » ou « New Age ». Et dans un passage plus orienté « cartoon », lorsque ses genoux lui suggèrent cette option, la première réaction de Sébastien est la dérision, lui qui s’avoue athée. Mais quand on a tout essayé et que rien ne marche, pourquoi ne pas tenter le coup ? Au pire, rien ne changera…
Ainsi, le processus va commencer par la quête intérieure de ce fameux sanctuaire. Et contre toute attente, les premiers effets se font sentir, la douleur semble reculer ! Le pouvoir de la pensée, ce n’était donc pas juste du blabla de charlatan ? Certes, ça ne sera pas miraculeux et pour l’instant, ça ne fait que le soulager. Et pour peu qu’il décide de persévérer dans cette voie, il y aura encore du chemin à faire… en outre, Sébastien se trouve alors face à un dilemme : alors qu’on l’invite au Japon pour un job dans l’animation, il craint de ne pas être à la hauteur et de ne pas supporter la pression. Son genou risquerait alors de ne pas le remercier…
Qu’on se rassure, Les Sanctuaires ne cherche pas à convaincre les sceptiques ou à faire du prosélytisme à trois balles sur des techniques ancestrales qui d’ailleurs sont plus spirituelles (ou mentales) que religieuses. Ceux qui n’y croient pas camperont sur leur position, tout comme ceux qui y croient seront renforcés dans leurs convictions. Le livre raconte juste une histoire, celle de l’auteur, qui s’est fait explorateur pour trouver le graal qui soignerait ses douleurs… A ce titre, il va entamer une quête introspective par des exercices de relaxation, quête qu’il illustre de façon métaphorique par un voyage dans les profondeurs terrestres, associé à diverses méthodes d’autosuggestion inspirées entre autres par le bouddhisme, où il est question de reconnecter le corps et l’esprit…
Son dessin très imagé oscille entre le raffinement et le spectaculaire. Les scènes du quotidien distillent une certaine sérénité (malgré la douleur), avec un travail admirable sur l’aquarelle et ces représentations nocturnes de la ville sous la pluie. Pour les passages plus oniriques, Sébastien Pons adopte un style proche du manga d’action, teinté d’humour et parfois légèrement grand-guignolesque, où interviennent des personnages haut en couleurs, notamment un vieux barbu, porteur d’une sagesse bouddhique, dont le but est d’aider Sébastien à dompter ces monstres symbolisant son « ennemi intérieur ». Et le lecteur d’être immergé dans les grottes de la Moria…
Découpée en chapitres, chacun étant introduit par un haiku, la narration est assez captivante. Avec Les Sanctuaires, Sébastien Pons nous offre un récit très personnel où il détaille le long parcours qui lui a permis de se reconstruire et de puiser en lui des forces insoupçonnées pour renforcer la confiance qui lui faisait défaut. Un ouvrage qui pourra livrer quelques clés de sagesse pour comprendre que sans l’esprit, le corps n’est rien…
Laurent Proudhon
Les Sanctuaires
Scénario & dessin : Sébastien Pons
Editeur : Delcourt
384 pages – 34,95 €
Parution : 4 juin 2025
Les Sanctuaires — Extrait :
