« Laissez-moi brûler en paix » de Peter Farris : Haut les flingues !

Dans un polar classique, nerveux et efficace, Peter Farris analyse la place des armes à feu dans une Amérique gangrenée par les trafics de drogue, les violences policières et la corruption politique.

Peter Farris © Heather Photographers

Découvert en 2015 grâce aux éditions Gallmeister, Peter Farris est assurément l’un des très bons auteurs de polars américains actuels. Avec quelques-uns de ses pairs (David Joy ou S.-A. Cosby), il propose une radiographie des Etats-Unis par le prisme du polar. Dans son nouveau roman, Laissez-moi brûler en paix, Peter Farris a choisi un personnage féminin comme protagoniste d’un récit qui s’attarde sur quelques-unes des grandes questions qui agitent la société américaine : la place des armes à feu, l’action des forces de l’ordre, la corruption politique…

Cassie Crews est une ancienne policière. Si elle a autrefois été membre d’une unité spéciale chargée de lutter contre le trafic de drogue en Géorgie, elle s’occupe désormais d’un stand de tir. Car Cassie est une experte en armes à feu et, selon elle, pour faire face à la violence de la société américaine, il ne faut pas interdire les armes mais apprendre à s’en servir. Autant dire que sa petite entreprise fonctionne très bien et qu’elle coule des jours heureux aux côtés de son mari, Tommy, ex-flic lui aussi, qui se remet doucement d’un AVC.

Mais, comme dans tout bon polar qui se respecte, le passé de Cassie va se rappeler à elle et les ennuis ne vont pas tarder à pleuvoir. En effet, alors que son ex-patron est le candidat favori des prochaines élections sénatoriales, Cassie apprend qu’un juge à la retraite qui travaillait autrefois en étroite collaboration avec son unité vient d’être assassiné. Et c’est à ce moment-là qu’elle commence à recevoir des appels anonymes très menaçants…

On le voit, l’intrigue qui sert de point de départ à ce Laissez-moi brûler en paix n’est pas très originale et, de fait, en conteur aguerri, Peter Farris développe un récit jamais surprenant mais toujours efficace. Ce qui rend son roman vraiment intéressant, c’est le regard très personnel qu’il porte sur son pays. Face à Cassie, Peter Farris a imaginé un autre personnage, un militant qui plaide pour l’interdiction des armes à feu et qui dénonce dès que possible les violences policières dont il a lui-même été victime. Si on peut ne pas être d’accord avec le point de vue qui finit par l’emporter (n’en disons pas plus), on lira en revanche avec intérêt cette intéressante approche dialectique de questions qui agitent régulièrement l’opinion américaine. Ainsi, si l’usage parfois excessif de la police n’est pas minimisé ici, bien au contraire, Farris parvient aussi à montrer la terrible réalité d’un métier ingrat, dangereux et souvent exercé dans des conditions très difficiles. Par ailleurs, le dénouement très amer du roman est assez caractéristique de ce néo-noir que l’on apprécie tant. Chez Farris, comme chez plusieurs autres écrivains de sa génération, les happy end n’existent pas, les salauds ne sont pas tous punis, loin de là, tandis que des innocents sont durement frappés par la violence qui a déferlé sur eux.
Sans révolutionner un genre dont il maîtrise parfaitement les codes, Peter Farris nous propose donc un roman très agréable à lire et souvent passionnant. Lucide, complexe voire paradoxal, Laissez-moi brûler en paix est, à bien des égards, à l’image des Etats-Unis.

Grégory Seyer

Laissez-moi brûler en paix
Un roman de Peter Farris
Traduit de l’américain par Alexis Nolent
Editeur : gallmeister
432 pages – 24 €
date de parution : le 3 septembre 2025

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