Sur un canevas des plus classiques – une rupture amoureuse et ses conséquences, Maria Pourchet déploie son écriture ciselée et sèche qui la caractérise depuis plusieurs ouvrages. Au risque de l’usure littéraire cette fois-ci…

La définition du mot « tressaillir », pour le Littré, est « éprouver une subite agitation ». Et en effet, Michelle, quarantenaire en couple et maman d’une petite fille, s’agite subitement, et plaque tout. Rupture cinglante, rapide et sans trop de réflexion, comme l’écriture urgente et syncopée de Maria Pourchet, écriture qu’on peut désormais qualifier de marque de fabrique.
Depuis son superbe Feu il y a quelques années, la romancière sait mieux que personne évoquer la passion, les flammes qui s’emparent de coeurs et de corps qui aiment, jusqu’à l’épuisement ou la violence. Un style particulier, virevoltant et parfois ironique, haché et vif, semé de punchlines ou de phrases qui claquent et dont on se souvient longtemps. Tressaillir fait office de refuge familier tant on retrouve ce que l’on aime chez cette romancière atypique. En mêlant les voix de sa protagoniste, de son ex-compagnon qui fait entendre sa version de la séparation, ou celle du psy qui pose le postulat théorique, médical du cas de sa patiente, elle dissèque l’après d’une relation qui se coupe, de l’amour qui n’est plus, de l’avenir qui semble plus qu’incertain, d’un enfant qui oblige à se questionner mais surtout à avancer, d’une vie qu’on choisit de modifier brutalement sans vraiment imaginer comment on peut ensuite le façonner à nouveau, ré-exister.
Michelle est souvent comparée à une biche, animal un peu craintif, aux abois, qui avance un peu effrayée, qui tressaille de peur ou d’excitation. L’émotion est vive en tout cas, et le début du roman invite à se mettre dans la peau de cette femme qui redevient indépendante, qui ne sait pas où elle va mais qui y fonce quand même…puis la suite s’avère un peu plus calme, mais surtout plus éparpillée, comme on ressent son quotidien sous l’effet de médicaments ou de drogues… et pour cause, Michelle se fait prescrire des anti-dépresseurs par son psychiatre. Et le propos semble se fondre dans cette prise de calmants, parsemé de fulgurances parfois incongrues…un corps qui souffre, un cerveau qui implose aussi un peu, et la patiente qui essaie de gérer tout cela à hauteur de femme esseulée, qui va trouver refuge dans son art et son métier – écrivaine de littérature jeunesse – et dans ses origines.
Pour cela, il suffit d’un coup de pouce d’une amie qui lui conseille des ateliers d’écriture scolaire dans les lieux de son enfance – les Vosges – et le livre prend une nouvelle et énième tournure. Celle d’une radioscopie de ce que l’environnement modèle des existences, des flash-backs de passé pour mieux se comprendre aujourd’hui, et des retours sur des affaires locales (un étonnant passage sur le faits divers du petit Grégory retrouvé noyé dans cette région) pour relativiser sur ce qui nous fait souffrir ou peut nous remuer. Difficile, par contre, pour le lecteur de ne pas se retrouver distancé dans ce maëlstrom de sensations et d’anecdotes riches en émotions, mais qui le laissent un peu sur le pas de la porte, figé devant la vitrine littéraire tranchante et un rien cynique de Maria Pourchet.
Possiblement, le style de l’auteur arrive à son apogée – et en même temps sa limite. Est-ce dû à son personnage féminin à qui il arrive une situation finalement devenue banale – une séparation ? Est-ce dû à l’accumulation de témoignages et de moments qui partent dans tous les sens ? En tout cas, Tressaillir ne nous fait pas autant vibrer qu’on l’aurait voulu, ou que la première partie nous en caressait l’espoir. Une écriture toujours aussi percutante, mais pour un récit qui nous laisse pour le coup un peu froid. Le Feu d’antan n’est que braises plus vraiment ardentes cette fois-ci.
Jean-françois Lahorgue