À travers l’histoire de Frédéric Riegerl, écrivain qui découvre tardivement le passé enfoui de ses parents déportés en Roumanie, Lionel Duroy signe un roman intense où se croisent mémoire intime et mémoire historique.
Avec Un mal irréparable, Lionel Duroy continue d’explorer ce territoire qu’il connaît parfaitement : celui des mémoires enfouies, des secrets familiaux qui traversent les générations et laissent des traces indélébiles. On y suit Frédéric Riegerl, écrivain reconnu, qui, à soixante-quatorze ans, décide enfin de faire face à ses origines roumaines. Toute sa vie, ses parents ont gardé le silence. Toute sa vie, il a porté sans le savoir ce vide, jusqu’au jour où, en retournant à Czernowitz puis dans la plaine du Bărăgan, il découvre l’impensable : ses parents avaient été déportés en 1951.
Ce choc n’est pas seulement historique, il est intime. Car cette vérité éclaire rétrospectivement les blessures du narrateur, mettant en lumière ses difficultés à aimer, ses angoisses face aux femmes, ses blocages invisibles. Lionel Duroy montre avec justesse comment un secret parental peut se transmettre sans être évoqué et marquer une vie entière.
Comme souvent chez lui, le récit alterne entre le collectif et l’intime. On y découvre un épisode largement ignoré de l’histoire roumaine — ces déportations massives dans le Bărăgan — mais l’essentiel est ailleurs : dans ce miroir tendu au lecteur, dans cette interrogation sourde qui traverse le livre. En quoi nos vies sont-elles modelées par les non-dits familiaux ? Quels héritages perpétuons-nous malgré nous ?
L’écriture de Lionel Duroy refuse toute forme de pathos, elle dit les choses frontalement, et c’est précisément cette sobriété qui touche. Un mal irréparable n’offre aucun apaisement, il secoue, il bouscule, et s’impose comme un texte nécessaire.
Benoit RICHARD