Le coup de cœur « feel good » de la rentrée est québécois ! Sur un sujet dramatiquement d’actualité, Florence Longpré, autrice et principale actrice, nous invite dans les arcanes d’un institut psychiatrique. Le résultat est beau, poétique, tragi-comique et pétri d’humanité.

A l’ère du post-Covid, la santé mentale est devenue un problème majeur de notre société, notamment chez les jeunes qui ont, pour la majorité, mal vécu le confinement et l’absence prolongée d’interactions humaines. Par extension, les maladies liées à la psychiatrie ont été davantage mises en lumière et sont désormais un enjeu de taille afin de ne pas « saborder » des générations… C’est ce qui étonne d’emblée dans Empathie, où l’on suit les déboires de la nouvelle psychiatre légiste, Suzanne Bien-aimé, dans un institut de soins montréalais, pour son premier jour de boulot après un réveil alcoolisé aux bras d’un inconnu. Une psy un peu éloignée des clichés attendus de la médecine sobre et sérieuse, et heureusement ! Docteur Bien-aimé a des problèmes avec l’alcool, avec sa famille, et a connu un vrai trauma ; elle pourrait être autant soignée qu’elle ne soigne. Et pourtant, son efficacité saura convaincre, même s’il faudra du temps, entre professionnalisme serein et grande empathie.
L’empathie, justement, titre de la série. Elle peut se définir ainsi : « la capacité à se représenter ce que l’autre ressent ». Et la grande force de la série, c’est de nous offrir une véritable vision des tréfonds des âmes des patients ou des médecins, à travers des séquences dansées, oniriques, imaginées, mais sans forcer le trait ou apparaître lourds et superficiels. Non, tout est poétique, simple et de bon goût, comme une représentation, certes un brin idéalisée, de la frontière poreuse entre les rêves, les fantasmes et la réalité. Une réalité bien sordide souvent, Empathie n’évitant aucun sujet grave, terrible ou problématique. Mais la réalisation douce et l’infinie tendresse portée à ces personnes font de cette première saison (il y aura probablement une suite) une vraie et belle réussite.
Loin d’un Voyage au dessus d’un nid de coucou, matrice des représentations des asiles d’antan, Florence Longpré propose sa vision de ce qu’est l’analyse des problèmes mentaux aujourd’hui. Par touches successives, son personnage de psychiatre amène, avec l’aide de tout le personnel soignant, ses patients vers une possible reconstruction de soi, une petite guérison intérieure afin de dompter les démons, les peurs, les traumas. Evidemment, à travers eux, ce sont les professionnels eux-mêmes qui tentent de se soigner, de panser leurs propres plaies, et d’aller de l’avant, bien entourés et accompagnés. En cela, l’excellente idée est ce tandem avec Thomas Ngijol, surprenant au départ mais extrêmement convaincant dans son rôle d’aide-soignant un brin lymphatique et passionné de comédies musicales, et dont l’amitié-amour inclassable pimente un peu le scénario axé sur l’institut, sans pour autant trop verser dans le soap attendu. En découlent des moments drôles et fantaisistes, comme des petites trouées d’air vivifiant au milieu de moments plus compliqués de leur travail quotidien.
On n’oubliera pas de sitôt ces comédiens à l’accent irrésistible, ramenant souvent par leurs voix et l’ambiance aux films de Xavier Dolan, et leur jeu tellement réaliste, fort ou émouvant. Ils portent leurs personnages vers de très beaux moments de folie plus ou moins douce, ou bien vers une lente redécouverte d’eux-mêmes, quand la mémoire refait surface (avec les secrets enfouis d’ailleurs…) ou quand l’asociabilité de départ se mue en retour vers autrui pour communiquer à nouveau, se lier, vivre. C’est à la fois très simple sur le papier et difficile à mettre en scène sur un écran. Florence Longpré y arrive pourtant brillamment. Et si quelques maladresses et facilités scénaristiques en fin de parcours viennent un peu gâcher la sobriété tendre de l’ensemble, Empathie, déjà auréolé d’un joli succès d’audience, est un petit bijou francophone, et une excellente surprise télévisuelle.
Jean-françois Lahorgue