[Live Review] The Delines et Johnny Irion au Supersonic Records : l’Amérique qu’on aime

Superbe concert Americana au Supersonic Records; avec le trop rare Johnny Irion et le groupe de Portland the Delines qui, emmené par sa chanteuse Amy Boone, a joué sa somptueuse country soul créée par le romancier/ guitariste Willy Vlautin.

Delines Supersonic Records
The Delines au Supersonic Records – Photo : Laurent Fegly

Quand on a besoin de se réconcilier avec l’Amérique, quoi de mieux que de participer à une soirée de l’Eldorado Music Club (en l’occurrence c’était la numéro 4), surtout quand le programme est aussi alléchant que celui de ce mardi soir ? Johnny Irion en première partie des délicieux Delines dans une petite salle comme le Supersonic Records, c’est a priori l’assurance d’une soirée réussie. Nous sommes heureux de constater que le public est au rendez-vous, la salle étant bien remplie.

Irion Supersonic RecordsJe dois déjà des excuses à Johnny Irion, qualifié de « découverte » lors de la critique de son dernier disque. J’ai appris cette semaine, grâce à la vigilance d’un vrai fan, qu’Irion s’était produit avec son groupe Dillon Fence en première partie des Black Crowes au Zenith de Paris en…1995, un concert qui est resté dans toutes les mémoires pour l’apparition surprise sur scène de Jimmy Page. Donc, désolé Johnny, je suis confus d’avoir omis de t’avoir déjà vu il y a 30 ans ! Cet oubli ne devrait heureusement pas se renouveler après la prestation de ce soir. Pour des raisons budgétaires, il n’est pas rare que ces artistes jouent en solo acoustique leurs premières parties, ce qui peut être sympathique mais aussi frustrer ceux qui ont pu apprécier le coté rock des disques. Ce n’est pas le cas de Johnny Irion ce soir, chanteur guitariste d’un trio classique avec basse et batterie qui va se concentrer sur les titres de son dernier albums Sleepy Soldiers of Loves en démarrant à 19h45, avec des versions fidèles de I Will, I Do, I Can, et Mustangs. Irion rappelle la genèse de ce disque inspiré d’un livre, et dont la thématique est la préservation de la nature, et enchaine avec I Am This Mountain, un de ses titres emblématiques.

Après avoir remercié Gibson pour le prêt de ses guitares, la partie électrique du set va démarrer avec Ponderosa Pine, titre composé par son comparse Mike Stinson, dont Irion va également expliquer l’origine. Le son est excellent, et il s’avère être un excellent guitariste. Il va du reste le prouver, si besoin est, sur les deux derniers titres : une version toute en électricité à la Neil Young de Sleepy Soldiers of Love, et le Dangerous Love de son groupe U.S Elevator, avec, là encore, un traitement très rock ! On reste dans un country rock très classique, le fan de rock US que je suis est tout à fait dans sa zone de confort, mais c’est diablement bon. En dehors de l’aspect musical qui nous fait évidemment passer un excellent moment, l’attitude d’Irion, l’humanité et l’empathie qui transpirent de chacune de ses prises de paroles nous touchent particulièrement ce soir. Sept titres c’est court, je me promets de le revoir sans attendre 30 ans. Et tant pis si le fleuron du dernier disque, Shoulder To Shoulder, manquait à l’appel ce soir.

Delines Supersonic Records 02En parlant d’humanité, la soirée ne fait que commencer. J’avais déjà vu les Delines lors de leur tournée précédente pour un set qui se déroulait au Sunset. Est-ce le coté club de jazz avec ses codes et les petites tables individuelles ? Cela avait été dur de rentrer dans ce concert très sage, et avec des interprétations proches des disques. D’où une petite réserve au moment de prendre cette place, avec la question sous-jacente : les Delines sont-ils un groupe de scène ? Au merch, Willy Vlautin est la star : son dernier livre, les disques de son groupe précédent, Richmond Fontaine… Sur scène il se la joue plutôt Miles Davis : le type qui a tout composé, qui joue quelques notes de guitares dans son coin, et qui fait briller son groupe. Et là, pour le coup, c’est fantastique. Vlautin a indiqué avoir créé le groupe après avoir entendu la voix d’Amy Boone, et on le comprend tout à fait. Qui n’aurait pas envie d’écrire pour cette femme, à la voix envoutante et bouleversante ? Amy est l’interprète idoine pour ces chansons qui ressemblent à la fois à des nouvelles ou à des mini scenarii. Des titres dont les héros sont Nancy, Maureen, Lorraine, JP ou ce Little Earl qui ouvre la bal, « driving down the Gulf Coast », cherchant un hôpital pour soigner son frère qui saigne dans la voiture alors qu’il n’a jamais conduit de nuit. Dès ce premier titre, un des musiciens va attirer toute la lumière. Il s’appele Cory Gray, est juste devant moi et a une belle barbe et des lunettes qui font penser à un agent du FBI. Il joue des claviers et surtout de la trompette. Et cette trompette, mes amis, il en fait sortir les sons les plus beaux du monde, langoureux, puissants : l’instrument a été inventé pour lui, c’est sûr. Le groupe au complet semble avoir énormément progressé. Amy respire la confiance, et vit manifestement la meilleure période de sa vie artistique. Comment ne pas l’avoir, cette confiance, quand on lui fournit de telles merveilles à chanter ?

Delines Supersonic Records 03Les Delines vont allègrement piocher dans les titres de leur dernier album, Mr. Luck and Ms.Doom : Maureen’s Gone Missing arrive tôt dans le concert, avant le poignant That Old Haunted Place figurant sur The Imperial, et le très sombre Nancy and The Pensacola Pimp. Beaucoup de ces titres se déroulent la nuit, il est souvent 3 heures du matin et on se surprend à penser aux Walkabouts, et à leur formidable Nighttown. Ce n’est surement pas par hasard que Chris Eckman a assuré la première partie des Delines il y a quelques semaines en Angleterre (Chris, tu viens nous voir quand tu veux !).

Amy Boome avait demandé à Vlautin de pouvoir chanter avec lui, ce sera chose faite sur My Blood Bleeds The Darkest Blue, tiré des Lost Duets. Vlautin est le premier au chant avant qu’Amy Boone ne prenne le relais, façon Lee Hazlewood/Nancy Sinatra. Les Delines savent groover aussi, et Left Hook Like Frazier le prouve. Amy fait quelques pas de danse, on est à Detroit chez Motown maintenant.

Après un court rappel et la présentation des musiciens, Willy se remet au chant pour Walking With His Sleeves Down avant un fantastique Don’t Think Less Of Me. Le concert se termine sur Dilauded Diane, et les quatre membres du groupe, Amy, Willy, le batteur Sean Oldman et le bassiste Freddy Trujillo, chantant ensemble sur le même micro pendant que Cory Gray les accompagne aux claviers. Comme un symbole de l’alchimie d’un groupe qui vit bien ensemble, et qui nous a émerveillés. Bonne nouvelle, ils ont précisé être en studio en mars prochain !

Un concert qui redonne la foi et regonfle à bloc. Merci à l’Eldorado Music Club  pour nous proposer des soirées pareilles !

Johnny Irion :
The Delines :

Laurent Fegly

The Delines et Johnny Irion au Supersonic Records
Production : Cartel Concerts
Date : le mardi 30 Septembre 2025

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