Auteur de Bowie, Hors Cadre, Philippe Auliac nous en dit davantage sur le Thin White Duke et quelques-uns de ses acolytes. Quand un enfant du rock ouvre sa malle aux trésors…

Benzine : Vous avez commencé très fort en 1976 quand Bowie était inséparable d’Iggy. Comment fonctionnait ce duo plutôt détonnant ?
Philippe : C’était un peu l’image, je dis bien l’image, de la Belle et la Bête. Très fusionnel aussi…Les compositions étaient communes puis réparties ensuite sur les albums respectifs (The Idiot et Low).
Benzine : Vous avez observé Bowie on stage de nombreuses fois. Lors d’un interview, vous aviez déclaré que David était un gentleman au quotidien, tandis que Bowie devenait “cabotin” sur la scène ? La formule m’a amusé. Vous pensiez à quelque chose de précis ?
Philippe : Il y avait David Robert Jones, l’homme sincère, cultivé et attentionné et Bowie. Bowie n’existe pas, c’est un produit qui a traversé des personnages et joué un rôle, une Star dans toutes ces exubérances.
Vous avez aussi approché Bowie dans les coulisses. Quels souvenirs vous restent de ces moments plus intimes ?
Philippe : Un homme anxieux, inquiet, soucieux de bien faire les choses, solitaire avant de monter sur la scène.
Comment Bowie se comportait-il avec les photographes ? Calculait-il toujours son image ou laissait-il une part à l’improvisation ?
Philippe : Il y avait les photographes proches, Kent, O’Regan et moi-même et les autres, les occasionnels. Nous, on faisait ce que l’on voulait, un travail de respect et de confiance, pour les autres c’était très contrôlé.
Vous êtes fan depuis votre adolescence. Votre livre couvre plusieurs périodes de la carrière de Bowie. Laquelle préférez vous ?
Philippe : J’aime beaucoup la période Low-“Heroes”-Lodger mais aussi Tin Machine. Bien sûr Ziggy Stardust et Diamond Dogs… Mon morceau préféré ? Drive-In Saturday.
On ressent bien dans votre ouvrage un tournant dans les années 80, quand Bowie devient plus inaccessible malgré lui. Comment l’expliquez vous ?
Philippe : Bowie, comme beaucoup, devient dans les années 80 un produit, et comme tout produit il est soumis au marché et au diktat des majors, avec à leur tête des financiers, souvent incultes artistiquement.
J’ai été surpris de votre remarque sur Tin Machine avec “trois albums remarquables”. Qu’est-ce que vous plait dans cette période ?
Philippe : A cette période, lassé du coté commercial, David redevient juste un musicien d’un groupe dont il n’est pas en théorie le leader. Il retrouve avec les frères Sales les racines du blues/rock de son enfance.
Quand vous regardez vos photographies, qu’est-ce qui vous touche le plus désormais avec le recul ?
Philippe : D’avoir réussi à faire tout cela ! De passer de fan à collaborateur proche pendant près de 40 ans ! Mais rassurez vous, je suis toujours fan, voire plus… une groupie dégoulinante…
Vous êtes aussi un collectionneur de longue date. Quelle est la pièce que vous embarquez direct sur votre île déserte ?
Philippe : Un Stylophone pour rejouer à l’infini Space Oddity…
Enfin, y a-t-il une photo de Bowie que vous auriez rêvé de prendre, sans jamais pouvoir la réaliser ?
Philippe : La rencontre David Bowie-John Lennon, Lennon étant mon Hero (Working Class), Bowie mon guide.
Vous avez approché Lou Reed, passionné de photographie également. Vous échangiez à ce sujet ?
Philippe : Oui bien sûr, nous avions une passion commune des Leica.
Comment expliquez vous ce goût de la métamorphose très présent chez Bowie ?
Philippe : Je ne pense pas que cela soit par goût mais plutôt par nécessité, une façon de créer ses propres avatars ou ses doubles, plus faciles à gérer que ce que peut engendrer une sorte de schizophrénie, maladie récurrente de la famille Jones, Terry son frère, sa mère… et la peur principale de David tout au long de sa vie, la source aussi inépuisable de son œuvre.
Propos recueillis par Amaury de Lauzanne
Photos avec l’aimable autorisation de Philippe Auliac