« Nager sa vie. Journal d’un nageur », d’Al Alvarez : une leçon de vie

Dans Nager sa vie, Al Alvarez transforme son journal de nage, un récit intime écrit entre 2002 et 2011, en une réflexion sur le vieillissement, la résistance et la beauté des petits plaisirs que l’on peut avoir même quand on lutte quotidiennement contre le déclin physique. Un livre émouvant et beau, poétique et drôle, et une leçon sur la nécessité de profiter de la vie même quand cela ne semble plus être possible.

© FAIRFAX MEDIA ARCHIVES/GETTY IMAGES/MÉTAILIÉ

Quelque part dans Nager sa vie, Al Alvarez écrit : « je suis un privilégié ». Ce sera le début de cette chronique, je me sens privilégié d’avoir lu ce livre. Évidemment, je suis un grand fan de celui qui est certainement l’un des écrivains britanniques les plus marquants du XXème siècle ; mon jugement est un peu biaisé. Mais je suis sorti de la lecture de ce journal d’un nageur comme Al Alvarez sortait de l’un des étangs de Hampstead Heath situés dans le nord de Londres où il allait nager presque tous les jours : refroidi mais ragaillardi et rempli d’un bel optimisme—au point, pour être franc, de l’avoir relu une seconde fois immédiatement après la première !

De quoi est-il question ? Comme le titre en français l’indique, c’est le journal d’un nageur : Al Alvarez va nager à Hampstead Heath ; il en tire un journal qui consigne, pour chaque jour, la température et un bref descriptif de ses sensations. Comme le titre original l’indique — Pondlife, qui n’a pas été repris en français—, Al Alvarez raconte aussi la vie des étangs dans lesquels il nage, les oiseaux qu’il voit, des personnes qu’il rencontre. Et, surtout, il parle de sa douleur à la cheville avant de rentrer dans l’eau et de comment cette douleur s’estompe après la nage. Quand il écrit ces petites vignettes, entre 2002 et 2011, Al Alvarez va vers ses 70 ans (il est né en 1929, et décédé en 2019). Une grave blessure à la cheville l’empêche de faire de l’escalade, et même de marcher sans difficultés. La natation devient LE moyen de conserver une nécessaire activité physique. Et plus précisément, la natation en eau froide (dans le nord de Londres, la température de l’eau en hiver peut descendre bas, très bas). L’eau froide des étangs de Hampstead Heath le transforme radicalement.

La répétition des gestes, des situations et des observations—tous les jours, Al Alvarez parle des mêmes choses, l’eau, le froid, la pluie, le soleil, les autres—finit par acquérir une beauté addictive surprenante. Loin de lasser, elle emporte. On finit par se trouver à vivre dans le quotidien de l’auteur, avec lui, chacun des jours où il va nager est un jour où on va nager. Et puis, ce qui rend le livre encore plus beau et passionnant, c’est qu’il se transforme (à environ la moitié) en autre chose : ce n’est plus un journal de nage, cela devient un journal de souffrance, et le journal dans lequel Al Alvarez parle de son vieillissement, de sa perte d’autonomie, de ses difficultés à marcher et de ses frustrations. Là encore, ce n’est ni lassant, ni rébarbatif, ni pénible. Au contraire, Al Alvarez refuse de s’apitoyer sur son sort ; son corps sombre (si on peut dire) mais lui non ; il continue de nager, de lutter, de vivre, d’écrire ; il ne renonce pas à la vie, malgré la déchéance. Et, c’est cela que célèbre ce livre, les plaisirs simples dont il faut profiter. Et là aussi, on est avec lui, on écoute la « leçon » qu’il nous donne. Un livre à lire, à garder et à relire !

Alain Marciano

Nager sa vie. Journal d’un nageur
Roman de Al Alvarez
Traduction de l’anglais (Angleterre) par Anatole Pons-Reumaux
Éditeur : Métailié
256 pages – 21 €
Parution : 10 octobre 2025

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