Bleu Death – Holy Shit : la belle surprise musicale de l’automne

Ce sont parfois les disques que l’on n’attendait pas qui nous convainquent le plus : la preuve avec Holy Shit, premier album de Bleu Death, étrange patronyme derrière lequel se cache Adrien Durand, touche-à-tout qui n’en finit pas de construire une œuvre d’une singulière cohérence.

@ Adrien Durand

Tout a commencé par un mail reçu un matin dans les derniers jours de septembre. Adrien Durand y annonçait la sortie (sur Bandcamp uniquement) d’un disque enregistré pendant l’été et publié sous le nom de Bleu Death. Pour ceux qui suivent le travail d’Adrien Durand, cette annonce n’était pas vraiment une surprise tant la musique occupe une place importante dans tout ce qu’il fait. Ex-chanteur de Jordan, groupe indie post-punk, Adrien Durand s’est depuis quelques années consacré à de multiples activités sans jamais s’éparpiller pour autant. Auteur de plusieurs essais roboratifs (sur Kanye West ou Bret Easton Ellis), Adrien Durand a aussi publié un formidable premier roman, Cold Wave, dans lequel, comme le suggère le titre, la musique est évidemment au cœur de l’intrigue. Mais celui qui a aussi écrit pour les Inrockuptibles a consacré beaucoup d’énergie ces dernières années à lancer puis à développer Le Gospel, sans aucun doute l’une des maisons d’édition les plus intéressantes et les plus singulières du paysage littéraire français.

Mais toutes ces activités d’Adrien Durand ne l’empêchent pas, bien au contraire, de développer une vision très personnelle de la démarche artistique : son éclectisme s’accompagne d’un goût évident pour les marges et l’esprit DIY cher aux punks comme à certains groupes indés américains des années 90. En d’autres termes, ce projet musical ne pouvait être qu’à l’image de cet artiste aux multiples casquettes : ultra référencé, varié et surtout très personnel. Pour autant, on ne s’attendait pas à ce que le disque s’ouvre sur une chanson de la trempe de The Hunt. Dans un monde idéal, ce morceau deviendrait un tube ; dans la réalité qui est la nôtre, l’efficacité de The Hunt s’impose à nous dès la première écoute et l’on s’est surpris à très vite fredonner cette chanson, un peu comme si on la connaissait depuis longtemps. Mais au-delà de l’immédiateté avec laquelle elle s’installe en nous, The Hunt donne aussi le ton d’un disque aux ambiances très sombres, lugubres parfois, mais aussi toujours mélodiques.

La première partie d’Holy Shit est tendue, électrique et l’on a parfois l’impression d’entendre le disque qu’aurait pu enregistrer un jour Nirvana si Cobain n’avait jamais écrit Smells Like Teen Spirit et que son groupe était resté dans les limbes de l’underground. C’est dire la puissance des trois premiers titres d’Holy Shit. Puis les choses s’apaisent – en apparence du moins, avec Stephen King (The World Is Full Of Crap), l’un des sommets de l’album. A partir de là, Holy Shit alterne moments de (faux) répit et moments de tension. La couleur musicale se fait plus variée, plus acoustique aussi sur certains titres, comme sur la magnifique conclusion de l’album, Do You Believe In Ghost Songs ?, que le Beck des nineties n’aurait sans doute pas reniée.

On croit justement se souvenir d’une phrase, lue sans doute dans les Inrockuptibles au moment de la sortie de Mellow Gold, à propos du chanteur de Loser. Le chroniqueur écrivait (en substance) que Beck n’avait pas plusieurs cordes à son arc mais plusieurs arcs. Qu’il nous soit permis de nous approprier cette formule citée de mémoire et de l’utiliser pour qualifier le travail d’Adrien Durand. Qu’il écrive, édite ou chante, Adrien Durand le fait avec la même sincérité. Qu’il écrive, édite ou chante, il arpente les marges avec le même bonheur. Et l’on ne peut que le suivre sur ce chemin sinueux et passionnant.

Grégory Seyer

Bleu Death – Holy Shit
autoproduit
Date de sortie : 30 septembre 2025

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