Alexandre Fontaine Rousseau et Xavier Cadieux nous entrainent dans une extraordinaire et (très) créative course associant coutumes québécoises, occultisme, réchauffement climatique et compétition de Mario Kart.

Imaginez les pires crapules du Bas-Canada engagées, avec leurs démons favoris, dans une course de canots volants où, à l’instar d’une partie de Mario Kart (mais bien avant, nous sommes à la fin du XIXe siècle, s’il y a piratage, il est à chercher du côté de Nintendo) tous les coups sont permis, sauf de jurer et de percuter un clocher, sous peine d’une damnation éternelle.
Si j’ajoute que, s’affranchissant allégrement du quatrième mur, les auteurs travaillent sous nos yeux et sous la pression de Satan, en personne, dans une actualisation de la légende canadienne de la chasse-galerie de Honoré Beaugrand, que le narrateur est un castor sentencieux, que le père Léo Bénédictus Julius Agapet, le héros, est le meilleur agent du Vatican, que Corbella, une grande canaille costaude, trafique des cierges et que tout ce petit monde s’exprime dans un argot fleuri, que j’imagine bas-canadien ; vous me direz que la coupe est pleine.
« Que ce soit pour exorciser des bonnes sœurs possédées ou pour récupérer deux ou trois reliques perdues des Templiers, c’est votre homme » croit bon de préciser le castor, bien en selle sur sa bernache du Canada. On s’en doutait.
Pourtant, avouons qu’Alexandre Fontaine Rousseau s’en sort avec talent. Reprenons, selon la légende, un soir de réveillon, des bucherons en retard passent un pacte avec Satan, leur canot s’envolera, à condition d’éviter le moindre blasphème, de toucher à une croix et d’être de retour avant six heures, le lendemain matin. Dans le cas contraire, ils perdraient leurs âmes. Le pacte classique. Sauf, que dix ans plus tard, tous les habitants du bas-canada volent ! Qu’ils se refusent à tous effort, qu’ils ont déserté les églises, qu’ils contribuent par cet accès de magie au réchauffement climatique et que les portes de l’Enfer ne vont pas tarder à s’ouvrir…
Si j’ajoute que la présentation des concurrents (pages 80-81) rappellera aux plus anciens Les Fous du volant, ce qui est un indiscutable signe de sérieux. Car le dessin de Xavier Cadieux n’est pas pour rien dans cette réussite. Il est aussi fougueux dans les scènes d’action déjantées que précis dans le détail absurde. Sous sa plume, les canots s’envolent, les démons démonisent, les canailles ricanent et Satan finasse. Saviez-vous que ce dernier a versé sa larme à la fin de Fast and Durious, l’opus 7 bien entendu, quand Paul Walker adresse un dernier regard vers Vin Diesel… et qu’il rêve de jouer sur scène Smoke on the water avec Ritchie Blackmore ?
Fou, mais vraiment drôle.

Stéphane de Boysson
Les Canots de Satan
Scénario : Alexandre Fontaine Rousseau
Dessin : Xavier Cadieux
Éditeur : Pow Pow
300 pages – 27 €
Date de publication : 12 mai 2025
Les Canots de Satan — Extrait :

